La commission mixte Syndicat du PNC-direction générale d'Air Algérie tiendra une réunion, aujourd'hui, pour négocier la revalorisation salariale. Dans cet entretien, Yacine Hammamouche, secrétaire général du syndicat, revient sur la grève qui a secoué l'entreprise et engendré un préjudice de 5 millions de dollars. - Le PDG d'Air Algérie vient d'annoncer l'impossibilité de revaloriser les salaires. Qu'en pensez-vous ? Une telle déclaration à la veille des négociations suscite de lourdes interrogations. Pour nous, c'est une déclaration de guerre. Nous étions jusque-là confiants, mais maintenant on se demande pourquoi irons-nous aujourd'hui à la réunion. De toute façon, nous y allons et si nous constatons qu'il n'y a rien à espérer, nous prendrons les mesures qu'il faut. - Où en est la situation depuis la grève du 11 juillet ? C'est après l'intervention du Premier ministre, Ahmed Ouyahia, et la médiation de Abdelmadjid Sidi Saïd, secrétaire général de l'UGTA, que nous avons décidé de geler le mouvement de grève déclenché le 11 juillet. En contrepartie, nous avons exigé la levée de tous les licenciements et de toutes les sanctions subies par les grévistes dans la soirée de vendredi. Une première réunion avec l'employeur a eu lieu le dimanche 17 juillet. M. Derbal, secrétaire général, conduisait la délégation de la compagnie, composée des directeurs des ressources humaines, des finances et juridique, ainsi que d'un expert extérieur à l'entreprise. Ce dernier a commencé par faire état du préjudice financier causé par les quatre jours de grève et qui aurait atteint cinq millions de dollars. De notre côté, nous nous sommes limités à rappeler que les sanctions contre les collègues étaient toujours effectives. Les discussions n'ont pas duré plus d'une heure. En fin de journée, nous avons eu confirmation de la suspension des licenciements. Le lendemain, lors des contacts avec la direction, nous avons exigé une annulation administrative avant toute négociation, puisque la reprise des vols était conditionnée par cette mesure. Les discussions ont tourné ensuite autour du règlement intérieur de la commission mixte chargée des négociations. Nous avons imposé comme référence le procès-verbal de la réunion tenue avec l'ex-PDG, Wahid Bouabdellah, après la grève du mois de juin dernier. - Que comporte ce procès-verbal ? Dans ce PV, l'ancien PDG s'engageait à nous reclasser dans la catégorie du personnel navigant. Depuis 1999, nous sommes payés en tant que personnel au sol. Nous n'avons jamais demandé d'augmentation de salaire, mais une reclassification qui nous permettra une mise à niveau de nos revenus. Le deuxième point abordé a été la prise en charge des conditions de travail ; le troisième était consacré au programme du nombre d'heures de vol ; enfin le quatrième point avait trait à la nécessité de créer une direction propre au personnel navigant qui compte près d'un millier de personnes. Nous voulons que ce PV soit la base de toute négociation. Mais les représentants de l'employeur nous ont répondu qu'ils doivent se référer à l'avis du PDG tout en nous demandant de nous abstenir de toute déclaration publique sur le sujet. Nous nous sommes quittés en retenant l'idée de nous réunir trois fois par semaine dans l'objectif de sortir avec un accord, au plus tard fin juillet. A la réunion d'aujourd'hui, nous allons entamer les vraies négociations, surtout sur le point lié au référent salarial qui doit être aligné sur celui du personnel navigant. - N'avez-vous pas exigé une augmentation salariale de 106%, comme cela a été annoncé par le ministre des Transports et le PDG d'Air Algérie ? Nous n'avons rien demandé de tel. Notre revendication principale était d'être reclassés à la catégorie du PN (personnel navigant). En conséquence, notre salaire sera inévitablement remis à niveau. En 1999, nous avons été classés à la catégorie du personnel au sol alors qu'avant nous étions toujours à la catégorie du PN. Nous ne voulons pas revenir sur les dix années perdues, mais il est n'est plus question de continuer à subir cette injustice. En 1999, le référent du PN était à peu près de 23 000 DA, avant de grimper en 2011 à 64 000 DA. Celui du personnel au sol est actuellement de 16 000 DA, alors qu'en 1999, il était de 11 000 DA. - Comment expliquer alors que certains touchent plus de 140 000 DA ? Le cas dont vous parlez est exceptionnel. Il s'agit de quelqu'un qui viole la réglementation en augmentant les heures de vol, c'est-à-dire en faisant des heures supplémentaires. Or, leur nombre est limité à 900 heures par an pour des raisons de sécurité et de santé. Le PN ne doit pas dépasser 90 heures par mois. Le cas que vous avez cité fait entre 120 et 130 heures, ce qui triple son salaire parce que les indemnités sont importantes. Sachez que sans indemnités, le salaire moyen d'un steward est compris entre 35 000 et 40 000 DA et celui d'un chef de cabine, entre 50 000 et 60 000 DA… - Pourquoi n'avez-vous pas accepté l'augmentation de 20% accordée par la compagnie ? En fait, il faut revenir en arrière pour comprendre notre position. A la suite de la première grève, l'ex-PDG avait reconnu que notre classification en tant que personnel au sol est inacceptable et avait promis d'agir en affirmant que la trésorerie de la compagnie était au vert et qu'elle pouvait supporter cette revalorisation. Mais dès son départ, la même équipe qui l'entourait, qui est toujours avec le PDG actuel, a déclaré qu'il était impossible de prendre de telles décisions vu que «les voyants sont au rouge». A son installation, le nouveau PDG a affirmé que la situation de la trésorerie de la compagnie était très difficile arguant du fait que son prédécesseur avait payé les emprunts de la société au lieu de passer par un échéancier. Il n a pas refusé l'idée d'une remise à niveau, mais juste demandé un délai de 48 heures pour donner une réponse. Nous avons été surpris d'apprendre, le lendemain, qu'il a annoncé une augmentation salariale de 20% pour tous les employés de la compagnie. Pour nous, c'est une manière d'acheter la paix sociale parce que nous n'avons jamais demandé une telle augmentation. Avec une telle augmentation, le problème sera toujours posé puisque nous restons dans la catégorie du personnel au sol. - Beaucoup vous reprochent d'avoir utilisé les passagers comme otages pour faire aboutir vos revendications en déclenchant une grève en pleine saison estivale… Les responsables savaient que la grève allait être menée au moment où les vols étaient en surbooking, mais personne n'a pris la peine d'appeler au dialogue. Pendant quatre jours, aucun des dirigeants n'a pris la peine d'ouvrir le débat et d'éviter que les appareils ne soient cloués au sol. L'ancien PDG a, au moins, eu le mérite et le courage d'affronter les problèmes. Lors de la première grève, à 8 heures du matin, il était à l'aéroport en dépit des propos virulents de certains syndicalistes à son égard. Il a discuté avec les délégués et, dès la fin de journée, il avait dégoupillé la situation. Si nous avions attendu la fin de la saison, nous aurions été obligés d'attendre la fin du retour des émigrés, puis de la campagne du hadj et encore les vacances de fin d'année. Il fallait agir. S'il n' y avait pas eu les interventions du Premier ministre et de M. Sidi Saïd, peut-être que la situation aurait été de loin beaucoup plus grave. - Justement, l'entrée en scène de M. Sidi Saïd a intrigué plus d'un, sachant que vous représentez un syndicat autonome. Quelle est votre explication ? Durant les quatre jours de grève, il y avait un silence inquiétant des responsables. Seule la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune, a exprimé sa solidarité avec notre mouvement en qualifiant nos revendications de «légitimes». Nous l'avons sollicitée pour servir d'intermédiaire auprès des autorités. Elle a contacté le Premier ministre et M. Sidi Saïd qui, lui, a accepté le rôle de médiateur. Le Premier ministre nous a promis de prendre en charge nos revendications en contrepartie de la reprise immédiate des vols. De notre côté, la priorité était la levée des sanctions. Tôt dans la matinée de vendredi, nous avons repris le travail. En fait, les passagers étaient très compréhensifs par rapport à la grève parce que nous étions dans notre rôle en tant que syndicat. Ce qui a suscité leur colère, c'est le manque d'information et l'abandon dont ils ont fait l'objet de la part des autorités. Nous avons l'impression qu'au sein de la compagnie, il y a des personnes qui veulent pousser au pourrissement.