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chronique levantine, l'Orient rencontre l'Occident
Sombre beauté de la littérature
Publié dans El Watan le 29 - 12 - 2005

Etrange ville que Beyrouth. On peut y goûter aux choses les plus douces comme peuvent nous saisir l'épuisement et le vertige de l'excès et de la vitesse.
En cette fin novembre, on en viendrait presque à perdre la tête. Derrière le quartier de Minet El Hosn, à la lisière du Port de Beyrouth - terrains gagnés sur la mer -, se trouve le Biel où se tient le Salon du livre francophone. Etrange événement. Entièrement financé et organisé par l'ambassade de France au Liban, c'est une sorte de grande messe à la gloire de la littérature française, mais où aucun éditeur français, quasiment, n'est présent. Seules les principales librairies libanaises présentent des livres, à côté de quelques institutions (l'Institut du monde arabe) et autres journaux. Des auteurs renommés, en vogue, comme Edgar Morin ou Frédéric Beigbeider, viennent y donner des conférences, signer leur livre ou déambuler, durant la journée, dans les allées... vides. Car à Beyrouth, on ne sort pas avant 17 h et le salon est ouvert jusqu'à 22 h chaque soir. Mais le clou du salon était en vérité un container noir, disposé au cœur du grand hall, érigé là par le journal L'Orient-Le Jour (principal quotidien de langue française) pour célébrer les dix ans de la parution du premier numéro de la revue mensuelle en langue française L'Orient-Express, fondée par Samir Kassir en 1995. Samir Kassir était un journaliste, un intellectuel complet. Collaborateur de la revue d' Etudes Palestiniennes, il avait écrit, entre autres, une histoire monumentale de Beyrouth (Fayard, 2003), avait dirigé deux ans durant l'édition en arabe du Monde Diplomatique, et créé sa maison d'édition « Layali » en 1998. L'aventure de L'Orient-Express avait été un moment capital. De novembre 1995 à février 1998, la revue avait fait souffler un vent d'une fraîcheur inédite avec sa liberté de ton. Pour des raisons financières, l'aventure tourna court après presque 30 numéros. Samir Kassir est mort assassiné dans un attentat à la voiture piégée le 2 juin dernier. A l'occasion de ce salon, donc, était présenté dans ce container noir un numéro spécial de L'Orient-Express en son hommage. 160 pages de récits, témoignages et documents divers. L'ensemble est accompagné de dessins, peintures et autres caricatures de Mazen Kerbaj, un jeune artiste, terriblement talentueux, dessinateur, poète et musicien (dont les œuvres étaient exposées au même moment à l'Espace SD). Sans doute le texte le plus émouvant est-il celui de Farouk Mardam-Bey. Cet érudit-gastronome syrien, qui dirige la collection arabe des éditions Actes Sud (l'une des plus belles qui soit), vit exilé en France depuis 40 ans et était un ami proche de Samir Kassir. En littéraire, il propose malicieusement, dans son texte en forme de lettre posthume adressée à son ami, de lui indiquer des pistes pour achever le polar qu'il avait en chantier avant d'être assassiné, et qu'il voulait signer de son pseudonyme favori, Jamal Asmar, soit « sombre beauté » ! Son personnage, Nami Chami, aurait eu pour devise la phrase de Phil Marlowe (le héros impassible inventé par Raymond Chandler et immortalisé au cinéma par Humphrey Bogart) : « Rien n'est ce qui semble être... » En sortant du salon, sous un ciel menaçant, c'est un « sombre » sentiment qui m'habite, celui de la tristesse, de la mort partout présente et de la « beauté » immémoriale des choses. Puis je me dis, alors que la pluie se met à fouetter et faire reluire le bitume des larges trottoirs, qu'à l'instar de Harry Boone, Phil Marlowe n'aurait pas pu faire grand-chose dans l'inextricable désordre des choses à Beyrouth. Un peu plus tard, dans la très chic librairie El Bordj, me voilà encore face à la littérature. Vivante, cette fois, neuve et réjouissante. C'est un bonheur sans pareil que de retrouver les auteurs que l'on aime et de découvrir leur dernier roman ou ceux que l'on a manqués. Ainsi Hassan Daoud, l'auteur du fameux et magnifique L'immeuble de Mathilde (paru en français chez Actes Sud en 1998), vient de sortir un nouvel opus aux mythiques éditions Dar El Adab (qui comptent tout ce qui se fait de mieux en matière de roman arabe depuis 40 ans au moins) ; ainsi mon auteur favori, Rachid Eddaïf, poursuit sa singulière aventure littéraire. Son dernier roman Insi esseyareh, (Oublie la voiture), éditions Riad El-Rayyes, datait déjà de 2002, mais son style consommé, d'une grande économie de moyens, radicalement éloigné des ronflements et boursouflures habituels du roman arabe actuel (celui qui pense qu'abondance d'adjectifs rime avec qualité supérieure), la maigreur enjouée de ses phrases, son ironie et la gravité de sa pensée manquaient passablement. Car celui qui a goûté à ces petits bijoux que sont « Cher monsieur Kawabata » ou « Learning English » (tous excellemment traduits chez Actes Sud), ne peut plus se passer de ces infusions littéraires qui distillent une joie rare, une joie qui sait aussi être dramatique. Au tout début de cette année, aux soignées et excellentes éditions Riad El Rayyes (qui ont publié la majorité de ses travaux), il a fait paraître Ma'bad réussit à Baghdad. C'est goulûment que je me précipite sur le livre comme un adorateur devant son idole, heureux de cette joie simple et essentielle que seuls les enfants possèdent. Plus tard, dans un café de Hamra, lorsque Iskandar Habbache (journaliste, poète et traducteur) me donnera des nouvelles de la romancière Alaouia Soubh et m'annoncera la sortie de son nouveau roman Dounya, j'éprouverai le sentiment inverse à l'idée de ne pouvoir me le procurer avant mon départ, le sentiment du désappointement, de la désolation, le sentiment de l'amoureux éconduit, car en moi, le souvenir de son premier roman, Maryam el hakaya (Dar El Adab, 2002) -un massif arborescent de mots-, son souvenir donc, était si persistant, que je ne pus évacuer ma frustration (le roman paraîtra en traduction française l'an prochain). Pour l'heure, dans la librairie Antoine -toujours à Hamra-, je regarde simplement les rayons de littérature arabe et tente de trouver les livres de mes compatriotes. C'est un bon test ça, sonder la présence algérienne à l'étranger : cela permet de vérifier si nos auteurs, nos livres, nos drames intéressent les Autres, l'Autre, ou de constater au contraire que ce ne sont que de « sales petites histoires de familles » comme l'écrivait Deleuze, inintéressantes en dehors du village Algérie. Eh bien, en dehors d'Ahlam Mostaghanemi, championne toutes catégories, et dont les livres sont dans toutes les librairies, les auteurs algériens présents au Liban se comptent sur les doigts d'une main. J'entrevois le roman d'Inaâm Bioud Assamak la youbali (Les poissons s'en moquent), coédité par Al Farabi et El Ikhtilaf en Algérie (roman qui a reçu le prix Malek Haddad en 2004), je repère quelques romans de Rachid Boudjedra, toujours en coédition (Al Farabi-l'ANEP), et ceux de Waciny Laredj, édités chez Dar EL Adab. Point. Lorsque j'interroge la libraire sur d'autres éventuels auteurs algériens, un point d'interrogation fait office de réponse... Ceci me conforte, au passage, dans l'idée que la coédition représente probablement l'avenir de la littérature, car elle permet de dépasser nombre d'entraves. Je préfère alors penser aux plaisirs de lecture qui m'attendent, à la curiosité aiguë qui me tenaille depuis un moment à l'égard du roman qui fait grand bruit à Beyrouth, celui de Cherif Madjladani Histoire de la Grande Maison (édition du Seuil, 2005). L'auteur n'est pas inconnu. Professeur de lettres françaises à l'université St Joseph de Beyrouth, il avait publié un court ouvrage en 2002 aux éditions Layali (fondée par Samir Kassir), en forme de manifeste et d'éloge du métissage : Petit Traité des mélanges. Mais son premier roman est unanimement salué comme un coup de maître. Car plutôt que de rejouer le coup du roman historique revisitant un siècle d'histoire libanaise, il aborde la grande histoire latéralement, par le biais d'un héros, paria de son village, qui s'installe dans la banlieue de Beyrouth en y introduisant la culture des orangers. S'ensuivent les grandeurs et la décadence d'une dynastie qui croise son histoire avec le présent de l'auteur, lequel met en scène, dans la matière même du récit, ses atermoiements, ses repentirs, ses interrogations littéraires : qu'est-ce qu'un personnage de fiction, comment rendre compte de l'histoire, de quoi est responsable la littérature,... ? Sortant de la librairie et me retrouvant à nouveau noyé dans le magma pluvieux de la fin d'après midi, je songe à toutes ces questions et songe aussi qu'on n'en finit jamais de se poser des questions et que les réponses, loin de satisfaire nos attentes, ne font que nous emmener vers d'autres questionnements, plus douloureux encore.

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