Les jeunes Egyptiens réclament la chute du maréchal Hussein Tantaoui, le haut responsable du Conseil suprême des armées. Les manifestants exigent aussi l'accélération des réformes démocratiques. Après les vendredis de la colère, ils ont baptisé cette nouvelle mobilisation les journées de la colère. Elles sont deux Egypte, la haute classe et «l'autre»... Elles ne se sont jamais côtoyées, sauf durant les manifestations de janvier et de février. A elles deux, elles ont renversé le régime de Moubarak. Aujourd'hui, elles se retrouvent de nouveau avec un ennemi commun : le Conseil suprême des armées. Asma Fawzi, 26 ans, campe sur la place Tahrir. Avec son amie, elles viennent des quartiers chics du Caire. «Le pouvoir est passé d'un pharaon à un autre. Nous refusons d'être dirigés par un militaire. Je suis heureuse de voir que tout le monde est d'accord sur ce point», explique-t-elle. Assise à sa droite, à même le sol, Masreyeh Abd El Azziz, 26 ans, est aussi là pour dire non aux militaires. «Moubarak est peut-être tombé, mais son régime est toujours en place, rien n'a réellement changé», précise la jeune fille. Non loin d'elles, au milieu du campement, Mohamed Wasf, 21 ans, se balade avec une pancarte collée sur son torse. Il y est écrit «Je ne bougerais pas d'ici». Il a planté sa tente il y a dix jours. Lui aussi souhaite en finir avec l'armée, mais comme les Egyptiens de «l'autre» classe, il a beaucoup d'exigences. « Nous voulons que Moubarak et son gouvernement soient jugés et que les policiers qui ont tué des manifestants le soient aussi, affirme-t-il. Nous voulons une commission pour réguler les prix, que notre situation sociale s'améliore. C'était le but de notre révolution, aujourd'hui, ils veulent nous voler nos acquis», poursuit-il. Melting-pot el Tahrir Depuis la chute de Hosni Moubarak, le 11 février dernier, il y a eu peu de rassemblements au Caire. «Le gouvernement provisoire et l'armée ont trouvé la parade, s'exclame Islem Mohamed, 24 ans. Pour éviter que la colère ne monte et qu'on ne se rassemble les vendredis, ils annoncent des mesures populaires chaque jeudi», crie-t-il pour se faire entendre. Derrière lui, une marche s'entame, des jeunes scandent : «Le pouvoir militaire doit tomber, jamais le commandement militaire ne nous dirigera. Nous voulons sauver la révolution». Une autre marche croise leur chemin, celle des Frères musulmans. Ils arborent des pancartes sur lesquelles il est inscrit «La liberté ou la colère». Tout autour de la place Tahrir, plusieurs tribunes ont été érigées et chaque groupe a la sienne. Qu'ils viennent des quartiers riches, des quartiers pauvres, qu'ils soient musulmans ou chrétiens, ils sont tous animés de la même colère. Ils réclament l'application des réformes démocratiques dans les plus brefs délais, le jugement de tous les anciens responsables et la chute du maréchal Hussein El Tantaoui. «Il était le garant de la révolution, il nous a trahis», lâchent en chœur Ahmed Omar et Omar Saïd, deux jeunes de 17 ans. «Notre colère ne baissera pas. Ils ont intérêt à répondre à nos exigences», concluent-ils. Pour calmer la révolte, les autorités égyptiennes ont annoncé samedi le limogeage de policiers soupçonnés d'avoir tué des manifestants. Trois jours après l'annonce, la place Tahrir est toujours noire de monde.
Antonino Galofaro, avec Sami Boukhelifa et Nicolas Burnens