Le président-directeur général de la Compagnie algérienne d'assurances et de réassurance (CAAR), Brahim Djamel Kassali, revient dans cet entretien sur différentes questions liées à la conjoncture du marché local des assurances. Selon lui, la branche assurance automobile continue à enregistrer de forts taux de sinistralité, d'où les retards et lenteurs qui caractérisent les procédures d'indemnisation des assurés. - Quelle est la situation financière et la structure du portefeuille de la CAAR actuellement ? La CAAR est une compagnie d'assurances toutes branches, avec néanmoins une ligne de métier tournée principalement vers les grands risques, dont l'engineering, les incendies et les transports. En termes de prépondérance des risques assurés dans la structure de notre portefeuille, on peut citer notamment les assurances de transport, qui représentent une part de 16%, les risques incendies (25%), l'automobile (39%) et les assurances de personnes à hauteur de 11%. C'est donc un portefeuille de risques diversifié. S'agissant de sa situation financière actuelle, la CAAR a réalisé, au titre de l'exercice 2010, un chiffre d'affaires de 12,8 milliards de dinars et un résultat net de 950 millions de dinars. Au volet de la réassurance, la compagnie enregistre un taux de rétention d'affaires de quelque 30%, le taux de cession étant donc de 70%, cession légale à la CCR comprise. - La CAAR compte-elle favoriser le développement des assurances de personnes à travers sa nouvelle filiale spécialisée dans cette branche ? Nous avons mis en place, en mars dernier, conformément à la nouvelle réglementation en vigueur, une filiale dédiée exclusivement aux assurances de personnes. Il s'agit de Caarama Assurance, filiale de la CAAR à 100%. Cette dernière est actuellement opérationnelle et utilise l'ensemble du réseau de distribution direct et indirect de la CAAR, soit un total de 86 agences directes et plus de 40 agents généraux pour commercialiser ses produits. Les produits d'assurance de personnes sont donc disponibles au niveau de notre filiale Caarama via tout le réseau de la CAAR, mais les agents généraux ont jusqu'à fin décembre prochain pour établir des conventions avec notre nouvelle filiale pour pouvoir continuer à commercialiser les produits AP. - La séparation des assurances de personnes de celles des dommages était-elle réellement nécessaire pour permettre le développement de la branche «vie» ? La séparation entre les assurances de personnes et les assurances de dommages est devenue nécessaire, car les assurances de personnes sont un métier particulier qui nécessite un marketing, des compétences et un management différenciés. En Algérie, la branche AP reste peu développée, représentant à peine 7 milliards de dinars de chiffre d'affaires et 10% de parts de marché contre 80% dans les pays développés. C'est donc dans le souci de développer cette branche qu'il a été décidé d'aller vers la mise en place de filiales dédiées exclusivement aux AP. Car jusque-là, les assureurs n'avaient ni le temps ni les moyens nécessaires pour se consacrer au développement des AP. La création de filiales spécialisées devra donc permettre de mieux promouvoir cette branche en expliquant au mieux la portée de ces produits, car il y a encore des incompréhensions à dissiper dans ce domaine, notamment celles liées à l'interprétation des préceptes de l'Islam, alors que les produits d'assurance vie ne sont, ni plus ni moins, que de simples moyens de prévoyance. - Que pèsent les assurances de personnes au niveau de votre compagnie ? Au niveau de la CAAR, les AP représentent une part de 11%, soit un peu plus que la moyenne du marché, et ce, grâce notamment à la promotion de l'assurance groupe avec de grandes sociétés, mais aussi grâce à la bancassurance, vu que nos produits AP sont également distribués via 20 agences du CPA et une agence de la BNA. Les assurances groupe représentent d'ailleurs quelque 75% de notre portefeuille AP. - Comptez-vous développer de nouveaux produits dans la branche AP ? Avec la filiale Caarama, nous comptons, en effet, développer de nouveaux produits vie. Notre filiale AP s'attelle actuellement à préparer une étude de marché à cet effet. A titre d'exemple, l'on peut citer le produit d'assurance retraite complémentaire, que nous avons créé il y a quelques années et que nous essayons actuellement d'améliorer, vu que nous estimons qu'il y a un fort potentiel pour développer les retraites par capitalisation en Algérie. - L'assurance automobile est-elle aussi prépondérante dans le portefeuille de la CAAR que dans ceux des autres compagnies ? La branche assurance automobile représente quelque 39% du portefeuille de la CAAR. Cette branche reste de grande envergure, eu égard surtout au renouvellement du parc automobile national ces cinq dernières années. Aussi, la branche automobile reste importante dans le portefeuille de la CAAR, même celle qui se caractérise par une forte sinistralité. De fait, les chiffres en la matière sont des plus éloquents. En 2010, nous avons enregistré un montant de 3,9 milliards de dinars de sinistres automobiles remboursés, alors que le montant total des indemnisations pour le même exercice s'est élevé à 5,9 milliards de dinars. Malgré cela, la branche automobile reste rentable pour la CAAR. - Que doivent faire les assureurs pour réduire les délais de remboursement, notamment dans la branche automobile où les assurés ne cessent d'afficher leur mécontentement ? La CAAR veille à réduire de plus en plus les délais d'indemnisation en incitant régulièrement son réseau à rembourser le plus vite possible les assurés. Le problème réside dans la lenteur des procédures y afférentes, car il y a trop de sinistres automobiles et les experts prennent parfois beaucoup de temps pour évaluer autant de cas. Notre souhait est de parvenir à ce que les sinistres simples soient remboursés dans un délai d'une dizaine de jours à compter de la date où l'assuré fait sa déclaration. - Une convention d'indemnisation directe des assurés a été mise en place il y a quelques années, mais elle ne semble pas fonctionner. Qu'en est-il aujourd'hui ? Le dispositif d'indemnisation directe des assurés (IDA) est toujours en place, mais il ne fonctionne effectivement pas bien. Cette convention a été conçue par les assureurs pour réduire les délais d'indemnisation automobile s'agissant des sinistres qui engagent des assurés liés à deux compagnies différentes. Aujourd'hui, ce dispositif connaît encore des difficultés de mise en œuvre, du fait surtout du fort taux de sinistralité qui caractérise la branche automobile. - Les placements en valeurs d'Etat sont de moins en moins porteurs pour les assureurs, ces dernières années. Cela pénalise-t-il vraiment le secteur des assurances ? En tant qu'assureur, nous avons l'obligation d'effectuer des placements en valeurs d'Etat à hauteur de 50% de nos engagements. Les rendements de ces placements ont, effectivement, beaucoup baissé ces dernières années. Les taux d'intérêt sont actuellement de 0,20% pour les placements à court terme (6 mois), de 0,85% pour les placements sur un an, de 1,08% pour ceux à 2 ans et de quelque 2,5% pour les placements à long terme, c'est-à-dire les OAT à 10 ans. A titre de comparaison, en 2007, la fourchette des taux d'intérêt pour ces placements allait de 2% à 4%. En ce qui nous concerne, nous ciblons surtout les placements à court terme. En ce sens, la faiblesse actuelle des rendements des valeurs d'Etat nous pénalise dans la mesure où elle induit un manque à gagner relativement important. C'est-à-dire que les compagnies gagnent beaucoup moins du fait de la baisse conséquente des taux d'intérêt par rapport aux quatre dernières années. Une baisse qui s'explique surtout par l'abondance de liquidités sur le marché. Hormis le manque à gagner qui en découle, cela ne pénalise en rien les compagnies d'assurance.