C'est la recrudescence effrénée de la célébration des fêtes de mariage, à mesure que le Ramadhan approche. Aux quatre coins de la cité, une déferlante infernale de cortèges nuptiaux décochant des bruits assourdissants : sono endiablée, klaxons effrénés et salves de baroud tonitruantes empoisonnent la vie des riverains. Pour faire dans le tape-à-l'œil et, prestige oblige, éviter de faire des gorges chaudes des cancans, les familles, dont la progéniture convole en justes noces, multiplient les ingrédients d'apparat et de bombance pour que le bonheur soit total. A cet effet, elles (les familles) n'hésitent pas à s'endetter jusqu'au cou pour ajouter un zeste d'ambiance et un must d'apparence à la fête. Une procession interminable de voitures rutilantes enguirlandées est mise à contribution pour sillonner les boulevards de la cité ayant pignon sur rue avant de ramener les deux heureux élus, unis par les liens sacrés du mariage, au domicile conjugal. La location de cavaliers paradant devant la luxueuse voiture des conjoints, tout au long de l'itinéraire emprunté et la troupe folklorique distillant des airs débridés de zorna, de bendir et de cornemuse, sont remises au goût du jour. El Hadj Ali, qui vient de marier son fils cadet, a bien voulu nous mettre dans la confidence. «J'ai dépensé 100 000 DA rien que pour honorer les frais des quatre cavaliers et le groupe folklorique accompagnant le cortège. Et tout cela, pour une prestation d'à peine une à deux heures», a-t-il assuré. Et de poursuivre : «Que voulez-vous qu'on fasse, les prix sont les prix, et puis, on n'a pas le droit de passer à côté de l'événement et surtout on ne peut pas décevoir ses propres fils.» Et le compte est loin d'y être. Car, il faut à l'évidence, comme c'est devenu coutumier, claquer davantage son fric pour s'attacher les services de la salle des fêtes qui vous revient entre 30 000 et 60 000 DA. Ce dernier montant peut aller jusqu'au double (cela dépend de la notoriété et de la cote de l'orchestre) pour s'acquitter des honoraires du groupe devant animer la sérénade. Et c'est là tout le hic ! Joyeux fêtards en goguette En effet, selon bon nombre de personnes interrogées, le tintamarre engendré par les soirées nocturnes organisées dans la maison nuptiale, tout comme dans une salle de location, a pris des proportions intolérables. L'incivisme et le dérèglement des mœurs ont pris le pas sur les valeurs sociales et le respect d'autrui. «Qui se soucie aujourd'hui des règles de bon voisinage et du respect d'autrui, sachant que des personnes malades et des enfants en bas âge sont indisposés par la profusion de décibels assourdissanrs ?», s'est exclamé un habitant de la cité des 500 Logements CNEP. Beaucoup de riverains s'accordent à dire que la célébration des fêtes familiales : mariage, fiançailles, circoncision et son lot de manifestations de joie et d'ébats de gaieté collective sont, certes, dans l'ordre des choses, sauf que les extravagances des déferlements festifs ont atteint des pics alarmants. Surtout que les salles des fêtes, où sont organisées les soirées folkloriques, sont, comble du paradoxe, implantées au cœur des grands lotissements et des cités-dortoirs. Sono diffusant à fond chants et musique, klaxons exubérants matin et soir, salves de baroud intempestives jusqu'à une heure tardive de la nuit et de gais lurons chantant et vociférant à pleine gorge. Les grandes agglomérations de la wilaya sont dans tous leurs états. Et les habitants n'arrivent décidément plus à trouver le sommeil.