- Pourriez-vous nous résumer le sens et les enjeux de cette rencontre des jeunes du Maghreb et du Moyen-Orient qui se tient en Tunisie ? Cette rencontre s'inscrit dans le processus des mouvements de jeunes du Forum social maghrébin. Lors d'une réunion du comité de suivi du FSM, dont RAJ fait partie, on a évoqué la dynamique jeunesse au sein du forum, et c'est là qu'on s'est dit qu'il serait utile de programmer une rencontre spéciale jeunesse. Il se trouve que le thème de la jeunesse est présent dans tous les discours officiels. Il faut dire qu'elle a montré avec force sa capacité de changer les choses à travers ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte. - De quoi allez-vous débattre concrètement lors de ce forum ? Il s'agit avant tout de se connaître et de se faire connaître aussi. Ça sera également une occasion pour échanger les expériences et les idées. La richesse est dans la diversité et l'on espère sortir de cette rencontre avec de nouvelles idées, de nouvelles alternatives. La première des choses à laquelle on va s'atteler, c'est de faire un état des lieux à propos de la situation de la jeunesse dans les différents pays du Maghreb et du Machrek. A partir de là, on va réfléchir à la possibilité de tisser des relations entre ces dynamiques jeunesse afin de trouver des alternatives pour aider à l'émergence d'un Maghreb et d'un Machrek des peuples, d'une région sans frontière, érigées sur les principes de paix et de tolérance, de démocratie et de respect des droits de l'homme. Notre jeunesse a démontré avec brio qu'elle est capable d'agir sur les sociétés de la région et d'influencer les choix politiques des régimes en place. On va donc envisager ensemble un mécanisme pour fédérer cette jeunesse. Nous allons voir comment transmettre ces expériences, et comment faire de cette jeunesse une force de proposition et une alternative. On a demandé une fois à Boudiaf qu'elle était pour lui l'alternative ? Il a répondu : la jeunesse. Et moi j'y crois pleinement. Il ne faut pas passer son temps à se plaindre. La jeunesse algérienne est appelée à s'investir et à s'impliquer davantage dans la lutte citoyenne, chacun dans son domaine d'action. Je suis convaincu que la jeunesse a la capacité d'influer sur le cours des choses et d'imposer le changement d'une façon pacifique pour une Algérie démocratique et sociale telle qu'elle a été espérée par nos aînés durant la Révolution et pour un Maghreb des peuples tel qu'il a été pensé lors de la conférence de Tanger de 1958 qui avait déjà consacré l'Unité maghrébine. Ce n'est pas normal aujourd'hui qu'un Algérien ne puisse pas se déplacer par route au Maroc et qu'un Marocain ne puisse pas venir en Algérie, alors que l'on peut construire un grand carrefour citoyen. - C'est la première rencontre du genre entre les mouvements citoyens maghrébins depuis la révolution tunisienne… Effectivement, c'est la première du genre depuis la révolution tunisienne. Je dois préciser que cette révolution avait déjà permis de tenir la première réunion du comité de suivi du FSM en Tunisie. Elle a eu lieu du 19 au 23 avril dernier, à Hammamet. Jusque-là, ces réunions se tenaient exclusivement au Maroc. C'est un pays qui a fait de belles avancées en matière de respect des libertés. Certes, il y a toujours un manque. Mais la société civile marocaine est mieux structurée que les sociétés civiles en Tunisie et en Algérie. Donc, au cours de cette réunion, et au vu des conditions favorables qui nous sont offertes actuellement en Tunisie, nous avons décidé d'organiser cette rencontre dans ce pays. - Et à la lumière de ce qui est passé en Tunisie et en Egypte, c'est aussi une manière de faire le bilan de ces révolutions et de voir comment les accompagner ? Oui. D'un côté, c'est pour encourager cette révolution, de l'autre, c'est pour la faire aboutir sur le terrain. Il est important de souligner que l'échec de ces révolutions, c'est l'échec de tous les processus de démocratisation dans la région. Et le succès de ces deux révolutions, ce sera un succès pour toute la région. C'est pour cela que ça nous concerne en tant qu'Algériens, ça nous concerne entant que Tunisiens, Marocains, Egyptiens, Libyens,Yéménites, Jordaniens, etc. On est tous concernés. Dès lors, nous sommes dans l'obligation de suivre de près l'évolution de ces révolutions sur le terrain. - Là, nous sommes dans un bus à destination de Annaba. Vous avez choisi de gagner la Tunisie par route pour participer à ce forum. Est-ce un geste de solidarité avec le peuple tunisien ? Tout à fait. En tant que RAJ, et par solidarité avec nos frères tunisiens, on avait même réfléchi à la possibilité d'organiser une caravane dans ce sens. Nous avons pensé à mobiliser une caravane plus importante que celle-là, avec plusieurs bus qui iraient d'Oran jusqu'à Tunis. Malheureusement, ça n'a pas pu se faire. J'espère que nous pourrons organiser cette caravane. Pour nous, c'est un geste de solidarité pour encourager nos compatriotes à aller en Tunisie. Il y a des gens qui veulent saboter cette révolution tunisienne en disant voilà le fruit de la révolution. Ils n'ont récolté que le chaos et la destruction de l'économie nationale. Et cette propagande se fait au détriment de la démocratie en Tunisie, mais aussi dans toute la région. Pour cette rencontre, il y avait une possibilité de se rendre par avion à Tunis, mais pour deux ou trois personnes seulement. Moi j'ai dit, profitons du fait que les frontières sont ouvertes, et avec l'équivalent du prix des billets, cela nous permettait de prendre plus de monde avec nous, des gens dévoués qui militent dans des associations très actives. J'aurais aimé qu'on soit 15. Mais bon. On est 6. C'est déjà un pas. Il faut enraciner cette culture de la mobilité à travers nos frontières. J'espère qu'il y aura à l'avenir des délégations qui vont venir du Maroc, de Mauritanie, et qu'on organise comme ça une grande caravane citoyenne pour la paix, la justice, la démocratie et les droits de l'homme.