Ses toiles convoquent le rêve. Ses formes semi-abstraites, suggestives et fugaces vous ravissent, ses couleurs glorifient la vie et rendent grâce à la création. Mohamed-Salah Ghemired, la mine simple, un visage de patriarche, les yeux brillants d'intelligence et la barbe un peu hirsute, nous explique qu'il met d'abord en avant le bleu, comme le ciel de Constantine et la mer de Collo, ses deux villes de prédilection, et le jaune, soleil d'Algérie ou or des dunes, pour y insinuer furtivement les nuances polychromées, dont les rose (couleur, et non fleur) estompés chantent et enchantent. Il peint depuis des temps immémoriaux ; sa vie se confectionne au gré du pinceau, qu'il ne lâche que rarement. Il a exposé, il y a quelques jours, une cinquantaine de peintures à l'huile dans le vaste hall de la maison de la culture Mohamed El Aïd Al Khalifa, qui se contemplent avec étonnement et fascination, telle une révélation. Ses tableaux portent, pour la plupart, des noms : Les écorchés, Le rocher, La palette, Le marécage (ce dernier fait penser à Van Gogh, à qui il voue une admiration sans borne), Nature morte, qui, selon l'artiste, incite à la méditation, Lunatisme, suggérant une silhouette de femme, qui se mue en rocher dès qu'on s'en approche… Serait-ce Constantine ? «J'aime déplacer le lecteur de mon œuvre dans une recherche qui aiguise son appétit pour le beau et le savoir», confie-t-il devant sa Nature morte, qui est aussi vivante que l'étoile du berger. En adoptant le genre «expressionniste abstrait», ainsi qu'il se définit lui-même, Mohamed-Salah Ghemired refuse de «copier la nature», mais plutôt veut «créer une dynamique réflexive». Changer l'ordre social «N'est-ce pas, rappelle-t-il, que Picasso a dit que les arts plastiques ne sont pas une forme de décoration, mais une révolution ?». L'art, pour lui, doit absolument changer l'ordre social. «La liberté ne peut exister que dans l'art», énonce-t-il. «Une toile n'est jamais achevée, jusqu'à ce qu'on l'emprisonne dans un cadre, et là, elle continuera de vivre pour ou chez les autres.» Qu'en est-il des arts plastiques dans une conjoncture aussi difficile que celle que traverse notre pays, pour cet artiste intarissable ? «Paradoxalement, notre art est si spontané, si sincère, si naïf qu'il suscite l'envie de l'Occident ; il a certainement plus d'avenir que là-bas, notre mode d'expression est encore inexploré, et c'est une chance», explique-t-il. La femme a la part belle dans son espace vital : «Une société n'est rien sans la femme, et surtout celle qui crée ; elle ne peut donner que du bonheur». A-t-il précisément remarqué des œuvres féminines ? Oui, les femmes ont un art bien à elles, et selon lui, elles sont toutes bourrées de talent. Il ne cachera pas son immense admiration pour l'artiste plasticienne, Mimia Lichani, tout en assurant que la plupart ont un réel talent grâce à leur sensibilité très développée.