Les républicains n'ont pas renouvelé le scénario de 1995 quand ils avaient fait durer la crise du «relèvement de la dette» durant plusieurs mois. Le président démocrate de l'époque, Bill Clinton, avait su utiliser ce conflit pour isoler les républicains devant l'opinion et obtenir les faveurs des suffrages des électeurs américains pour un second mandat, en novembre 1996. La crise de la dette, que le monde a suivie, aurait eu des conséquences assez graves si un consensus n'avait pas été obtenu. Si le plafond de la dette n'avait pas été relevé, le Trésor américain n'aurait plus eu de liquidités et les premières victimes auraient été les fonctionnaires de l'Etat et plusieurs autres catégories à la charge de l'Etat en matière de retraites ou d'aides sociales. L'Etat n'aurait pas non plus été en mesure de payer ses dettes. Selon l'accord conclu dimanche soir entre démocrates et républicains, obtenu grâce à un consensus ou chacune des deux parties a fait des concessions, le président Obama est autorisé à relever le plafond de la dette en trois temps. Ce qui permettra à l'Etat de répondre à ses engagements vis-à-vis des fonctionnaires et de ses créanciers et au président de maintenir l'aide sociale aux plus démunis. L'accord prévoit un relèvement du plafond de la dette de 900 milliards de dollars en 2011 et de 1200 milliards de dollars en 2012. Toutefois, l'Etat doit réduire son déficit de 2500 milliards de dollars sur dix ans en diminuant les dépenses publiques. C'est une exigence des républicains. Si l'accord ne prévoit aucune hausse des impôts pour réduire le déficit, il épargne néanmoins la sécurité sociale et Medicaid – système d'assurance santé pour les plus modestes – de même que le nombre de fonctionnaires fédéraux et les allocations versées aux anciens combattants et aux plus pauvres. Cette dernière crise a pris l'allure d'une campagne électorale avant l'heure. L'échéance de novembre 2012 n'était pas étrangère aux pressions exercées par les républicains sur l'Administration Obama. Appelant à arrêter «la politique politicienne et les petits jeux», Obama s'était engagé à opérer des coupes «douloureuses» dans les dépenses et «à modifier les dépenses obligatoires» qui touchent les programmes sociaux. Mais en échange, il avait demandé «aux plus riches de payer plus d'impôts». Sur ce dernier chapitre, on le sait, les républicains sont intraitables ; ils ne peuvent cautionner des augmentations d'impôts sous peine de s'aliéner leurs soutiens politiques. Mais au-delà de la situation politique interne américaine, la crise du relèvement de la dette américaine a reposé encore une fois la question des réserves de change et de leur valorisation. Plusieurs pays sont concernés par ce problème : l'Algérie, mais aussi la Chine, le Japon, la Russie... Si, ces dernières années, plusieurs pays ont diversifié leurs placements en évitant un peu plus le dollar, cette crise pose un problème de fond, celui de la valorisation de ces avoirs. Selon le patron de Munich Re, premier réassureur allemand cité par les médias, «il n'existe plus de placement (…)». Citant l'exemple de la crise en Europe avec la Grèce, il a indiqué : «Un emprunt d'Etat n'est plus ce qu'il était par le passé, un investissement à tout égard.» Cette situation repose le problème de la suprématie du dollar en tant que monnaie de réserve. Plus de 60% des réserves dans le monde sont en dollars contre moins de 30% en euros. Cette crise renforce encore les doutes sur la stabilité et la valeur de cette monnaie pour les réserves de change, même si les Etats-Unis restent une puissance inégalable ; elle peut aussi signifier le début d'une étape où le dollar doit partager son pouvoir avec d'autres monnaies.