Que serait devenu l'Irak, si George Bush n'avait pas été élu président des Etats-Unis lors de l'élection de novembre 2002 ? L'Irak a submergé la scène électorale américaine avant même son lancement, et dans cet échange, beaucoup de choses ont été dites souvent bien à propos, mais également avec maladresse. Ce serait en effet mal connaître les fondements de la politique étrangère des Etats-Unis qui assume son rôle de première puissance mondiale en se donnant les moyens et, surtout, le temps. C'est pourquoi l'on parle de politique qui se décline sur des décennies et qui ne tolère par conséquent aucune espèce d'improvisation. Le cas de l'Irak échappe-t-il à cette perception ? Certainement pas si l'on considère avec le recul de trois mandats, soit deux présidents en douze années exactement, il y a eu continuité, y compris sur la manière avec, il est vrai, de fortes nuances. Qu'on en juge. La première gerre du Golfe a été menée, en 1991, par le républicain George Bush pour libérer le Koweït envahi et annexé par l'Irak en aout 1990. Ce sera chose faite dès le mois de février suivant, et Bush décrétera la fin des hostilités, stoppant net l'avancée des troupes américaines qui déferlaient à toute vitesse sur Baghdad. Saddam Hussein restait alors au pouvoir, et le démocrate Bill Clinton, qui succédera à Bush en 1992, considérera durant ses deux mandats Saddam Hussein comme l'homme à abattre. Sa secrétaire d'Etat, Madeleine Albright, l'a affirmé dès son arrivée à la tête du Département d'Etat en avril 1996, pour les raisons qu'évoquera cinq années plus tard le républicain George Bush, candidat aujourd'hui à sa propre succession. Autrement dit, un pays puissamment armé. Les rapports internationaux disaient exactement le contraire. C'est, encore une fois, un ancien officier des marines désigné par son pays pour intégrer le corps des inspecteurs internationaux chargés du désarmement de l'Irak qui le dira, mais sans être entendu. Scott Ritter a dit que l'Irak était désarmé, confirmant les déclarations de responsables d'autres pays selon lesquelles l'Irak ne constituait plus une menace. C'est pourtant Bill Clinton qui a maintenu les zones d'exclusion aérienne et ordonné le bombardement massif de l'Irak en 1998 contre l'avis de l'ONU. Aussi bien pour les républicains que pour les démocrates, et M. John Kerry ne dira pas le contraire, il y avait bien un cas irakien avec cette volonté clairement affirmée d'abattre le régime en place, et une guerre n'était pas exclue même si elle constituait l'ultime moyen, mais un recours tout de même qui fait partie de la panoplie d'hypothèses, et surtout que le précédent panaméen renseigne sur la détermination des Etats-Unis. Et dans le débat actuel, le président sortant n'a pas tout à fait tort de rappeler à son adversaire ses propres choix. Entre autres, son vote, comme les autres élus démocrates, en faveur de la guerre contre l'Irak. En réponse, John Kerry déclare regretter d'avoir fait un tel choix. Mais de tels regrets rendront-ils leur pays aux Irakiens ? La question n'a pas été posée au candidat démocrate.