Le 7 novembre de cette année, c'est-à-dire aujourd'hui, quelque chose de particulier dans l'histoire des élections aux Etats-Unis. Et pourtant, ce n'est que le mid-term, ces fameuses élections de mi-parcours qui permettent d'éventuels réglages, sans plus. Mais pas cette année, puisque rarement une administration aura fait au moins le consensus contre sa gestion. Et cette fois aussi, c'est un sujet de politique étrangère qui viendrait à bout de l'équipe en place. Ce qui explique le courroux et l'amertume dans le propre camp du président George W. Bush sévèrement critiqué dans sa gestion de la guerre contre l'Irak. Selon les sondages, il sera sanctionné, mais avec lui les républicains qui risquent de perdre le Sénat et la Chambre des représentants. Et plus encore avec quelques postes de gouverneurs. Quelque 200 millions d'électeurs américains, sur une population de plus de 300 millions, doivent prendre part aux élections de mi-mandat présidentiel, pour renouveler la totalité des 435 députés et 33 des 100 sénateurs. Les électeurs américains sont appelés à designer 36 des 50 gouverneurs, et à se prononcer sur 205 propositions dans un total de 37 Etats. Les démocrates doivent rafler 6 sièges à la Chambre Haute (Sénat) et 15 à la Chambre Basse (députés) pour obtenir la majorité au Congrès, alors que les républicains tiennent la Maison-Blanche depuis la première élection du président George Walker Bush, en 2001 (réélu pour un second mandat en novembre 2004), le Sénat depuis 11 ans et la Chambre depuis 9 ans cumulés.Dans la ligne droite de la campagne électorale, républicains et démocrates tentent de gagner du terrain, le parti du président Bush de préserver la majorité qu'ils détient depuis 1994, et les démocrates de saisir la chance que leur offrent les déboires de la Maison-Blanche en Irak et en Afghanistan, les échecs répétés dans nombre de questions de politique intérieure, notamment économiques, sociales et sécuritaires, et les multiples scandales qui ont éclaboussé, ces derniers mois, nombre d'élus de l'actuelle majorité au pouvoir. Mais pour les démocrates, ce sera aussi une répétition avant de partir à la conquête de la Maison-Blanche dans deux années. Voilà donc pour les données chiffrées de ce rendez-vous électoral. Restent maintenant les pronostics marqués par une donnée importante. Le pessimisme s'est installé dans les rangs des républicains sortants, tandis que sondage après sondage, ceux-ci confirment l'avance du parti démocrate, qui fait campagne sur le thème central du changement en dénonçant « l'incompétence » de l'Administration Bush. Résultat, le président américain, qui avait constamment renforcé ses majorités depuis son arrivée au pouvoir en 2001, pourrait être forcé de passer les deux dernières années de sa présidence à composer avec un parti démocrate qu'il attaque avec une acrimonie croissante. La campagne pour la présidentielle 2008 s'ouvrirait immédiatement entre deux puissants blocs, d'un côté des républicains ayant totalement dominé Washington pendant 6 ans et de l'autre des démocrates en mesure désormais de fixer l'ordre du jour politique et d'enquêter sur l'Administration Bush, à défaut de pouvoir imposer une politique de rupture (en raison du droit de veto présidentiel). A la lecture des intentions de vote, les experts ne semblent plus guère douter de l'avènement d'une majorité démocrate, fut-elle étroite, dans une Chambre des représentants dominée depuis 12 ans par les républicains, dont tous les membres devront être élus ou réélus. Le Sénat, renouvelé au tiers seulement et plus difficile à conquérir, semble désormais à la portée de l'opposition. « Un cyclone de catégorie cinq » menace la majorité de Bush à la Chambre, annonce l'expert indépendant Charlie Cook, pour qui « le parti républicain traverse incontestablement la pire situation de son histoire depuis le désastre du Watergate en 1974 » en référence au scandale d'espionnage politique fatal à la présidence de Richard Nixon. Ça va être dur », convient l'ancien chef de la majorité Tom DeLay. « ça va être dur » Le dos au mur, la Maison-Blanche et les états-majors républicains, à la peine pour vendre des statistiques économiques plutôt flatteuses, misent gros sur le facteur peur, assurant que leur politique antiterroriste, guerre en Irak comprise, sert de rempart contre d'éventuels attentats. « C'est un moment de clarification pour le pays », affirme le président Bush en campagne, qui dit de ses adversaires : « Ce sont des gens bien, des patriotes, mais ils se trompent : ils ne comprennent pas les enjeux de la guerre contre le terrorisme. » Mais les démocrates, portés par la colère d'une base frustrée d'être écartée du pouvoir depuis 6 ans, ripostent en promettant une politique antiterroriste « dure, mais intelligente ». Ils sont encouragés par des sondages indiquant pour la première fois qu'ils ont la préférence des Américains pour gérer la menace terroriste. A l'inverse, le président Bush n'a jamais manqué d'arguments, rappelant notamment aux démocrates qu'ils avaient, eux aussi, voté en 2003 la décision d'envahir l'Irak et renverser le régime en place. Rappelons que ces derniers avaient géré la crise du Golfe que leur a léguée une précédente administration républicaine, mais c'est le président Bill Clinton qui avait ordonné en 1998 l'opération Renard du désert, marqué par le bombardement de sites irakiens, alors que l'Irak était déclaré désarmé par de nombreux spécialistes, ou encore qu'il ne constituait plus une menace. Et puis, ce sont toutes ces histoires qui ont émaillé cette guerre, la rendant aussi injuste qu'illégitime pour l'opinion américaine. Quant aux morts américains de plus en plus nombreux, ils l'ont rendue impopulaire. Mais rarement, un sujet de politique étrangère se soit avéré déterminant dans une élection, car, le plus souvent, l'enjeu est strictement local. Y aura-t-il alors une cohabitation à l'américaine ?