Tout le monde en convient : en installant la Direction des grandes entreprises (DGE), les Impôts viennent de faire un grand pas dans la modernisation du système fiscal. Mais est-ce pour autant une « révolution » à même de faire plier les fraudeurs ? Pas si sûr, dit-on en coulisses. Si le paiement des impôts est perçu, sous d'autres cieux, comme un « devoir citoyen », il reste, estiment les responsables que nous avons interrogés, beaucoup d'efforts à faire en Algérie pour en arriver là. Les responsables de la Direction générale des impôts (DGI) parlent d'« incivisme » des citoyens algériens. Tant que la plaie de l'informel reste ouverte, lutter contre la fraude fiscale relèvera, selon un responsable des Impôts, des « travaux d'Hercule ». L'on se souvient encore des contrôles « inopinés » qui devaient être effectués, l'été dernier, dans les marchés Dubaï et d'El Hamiz. Ayant eu vent de cette nouvelle, les vendeurs ont baissé rideau, pendant plusieurs semaines, pour échapper aux contrôles du fisc. Les responsables des Impôts veulent aujourd'hui rompre avec ces méthodes archaïques. Dans la foulée des réformes, la DGI a lancé une opération de modernisation des contrôles visant à débusquer les tricheurs. Le travail sera scindé en deux parties : la DGE, opérationnelle dès le 3 janvier, se chargera de la comptabilité des grandes entreprises réalisant un chiffre d'affaires de plus de 100 millions de dinars et des entreprises étrangères. Les comptes de ce qu'on appelle les « gros bonnets » seront passés, affirme-t-on, au peigne fin. Les gros contribuables dont le chiffre d'affaires a été revu à la baisse devront ainsi faire preuve de vigilance. « Si une entreprise qui faisait partie de la DGE enregistre, pour une raison ou une autre, un chiffre d'affaires inférieur à 100 millions de dinars, un contrôle sera immédiatement déclenché », avertit le DG des Impôts. Les responsables de cette réforme ont ainsi déterré le « plan comptable » qui devait être réalisé il y a une vingtaine d'années. Les brigades chargées de la vérification approfondie de la situation fiscale d'ensemble (VASFE) devront, de leur côté, accentuer leurs efforts sur les « signes extérieurs de richesse » des personnes physiques. Ils auront ainsi à surveiller de près les personnes dont les revenus déclarés paraissent en deçà de leurs patrimoines ou de leur train de vie. Pour coincer les fraudeurs, les contrôleurs des Impôts travaillent surtout avec les institutions dites « fiables », comme les grands hôtels, les banques ou les compagnies aériennes. « Si vous passez de nombreuses nuits au Sofitel et que vous réveillonnez à l'étranger, vous êtes facilement repérable », nous dit M. Bouderballa, directeur général des Impôts. Il existe cependant quelques « défaillances » dans ce système d'information. Il arrive, en effet, selon des sources proches de la DGI, qu'il y ait complicité entre le banquier et la personne suspectée. « Lorsqu'on consulte le compte de cette personne, on découvre qu'elle avait retiré son argent juste avant le contrôle », déplore-t-on à la direction générale des Impôts. Plus de 3400 plaintes Plus optimiste, le directeur des études de la DGI, Mohammed Drif, estime que « l'on échappe à tout, sauf à la mort et aux impôts ». Plus de 3400 plaintes ont été déposées, selon lui, entre l'année 2000 et 2005 pour fraude fiscale, manœuvre frauduleuse et organisation d'insolvabilité. Le directeur de la recherche et des vérifications fiscales, Mohamed Saïdani, fait état, quant à lui, de la récupération de la somme de 2,64 milliards de dinars durant la période 2000-2004, sous forme de redressements fiscaux. Le contrôle des revenus a été mené au niveau national sur un groupe de 725 personnes physiques. Les services de M. Saïdani se sont intéressés essentiellement aux personnes exerçant à titre d'associés ou de gérants de sociétés, les professions libérales et les acquéreurs de biens immobiliers importants. L'administration fiscale compte mettre en place, à partir de 2007, des brigades spécialisées comme embryon d'une future police fiscale, a signalé ce responsable. Le contrôle des impôts est d'autant plus important, aux yeux des représentants de la DGI, qu'il représente « le seul garant pour la sécurité du pays ».