Qui aurait pu penser il y a au moins 8 mois qu'un tel événement pouvait se produire ? Le tout-puissant raïs Hosni Moubarak qui a régné 30 années durant sur l'Egypte tel un empereur, et ses deux fils, Aala et Gamal, ont comparu, hier, devant le tribunal du Caire pour meurtres et corruption comme n'importe quel justiciable. Les images retransmises pas les télévisions du monde entier montrant l'Egypte juger son Président ont sans doute donné des sueurs froides aux nombreux dictateurs arabes qui continuent encore à s'agripper au pouvoir et à aller à contresens des aspirations de leurs populations. Exception faite de Zine El Abidine Ben Ali, qui vient d'être jugé et condamné par contumace par la justice tunisienne, et du cas assez particulier de Saddam Hussein, c'est sans doute la première fois dans le monde arabe qu'un chef d'Etat rend des comptes personnellement à la justice de son pays. Cela mérite d'être signalé, tant habituellement l'impunité est érigée en règle dans le monde arabe. Historique donc, le procès de Hosni Moubarak confirme le fait que l'Egypte s'est engagée dans une véritable dynamique de changement et que les choses ne seront plus jamais comme avant. Les tyrans finissent toujours par payer leurs crimes Le raisonnement peut être élargi au reste du monde arabe où, ainsi que l'illustre l'exemple syrien, les sociétés civiles commencent de plus en plus à se mobiliser contre les régimes dictatoriaux en place. Et cette image à la fois tragique et pathétique d'un Moubarak impuissant, affaibli par la maladie, vêtu de blanc (la tenue réglementaire des prévenus n'ayant pas encore été condamnés) et enfermé comme un animal dans une cage de fer prouve, à tout le moins, qu'il ne faut pas céder à la fatalité et que tôt ou tard les tyrans finissent par payer leurs crimes. Pour en arriver là, la rue égyptienne a dû batailler très dur et consentir d'énormes sacrifices. Depuis le mois de février, les militants de la démocratie ont, en effet, multiplié les manifestations à la place Tahrir pour contraindre le Conseil suprême des forces armées – qui dirige actuellement le pays – et la justice égyptienne à juger Moubarak et les principaux piliers de son régime dans un tribunal civil du Caire et dans les meilleurs délais. La rue avait exigé également une accélération des réformes politiques promises par la junte militaire au pouvoir. Pour faire aboutir leurs revendications, les «révolutionnaires» égyptiens ont dû avoir recours à des face-à-face violents et sanglants avec les forces de l'ordre. Les affrontements à la place Tahrir ont fait plusieurs centaines de morts. Officiellement, 850 personnes ont été tuées pendant le soulèvement anti-régime. C'est couché sur une civière, la mine blafarde, que Hosni Moubarak, 83 ans, s'est présenté devant un juge dans l'enceinte de l'école de police, située dans la banlieue du Caire, où est programmé d'avoir lieu son procès attendu par toute l'Egypte. Et ironie du sort, cette école de police porte son nom. S'il est reconnu coupable de meurtre, il risque la peine de mort. Le procès de l'ancien raïs égyptien a commencé à 9h, heure locale dans un amphithéâtre, où une grande cage à barreaux noirs a été installée pour l'accueillir lui, ses deux enfants, l'ancien ministre de l'Intérieur, Habib El Adli, et six hauts responsables de la police. L'homme d'affaires Hussein Salem, un proche des Moubarak, sera lui jugé par contumace. Cette brochette de responsables est accusée d'avoir détourné des millions de dollars d'argent public et ordonné le meurtre de manifestants anti-régime pendant le soulèvement populaire de janvier-février. Près de 600 personnes (avocats, familles des victimes, journalistes) ont été autorisées à assister à l'audience. Le procès s'est déroulé dans le calme et a été même retransmis en direct par la télévision publique. Contre toute attente, Hosni Moubarak n'a pas cherché à requérir la clémence du tribunal. Il décidé de plaider non coupable à l'ouverture de son procès. «Toutes ces accusations, je les nie complètement», a-t-il déclaré fermement. Sa progéniture a décidé également d'adopter la même ligne de défense. Accusés de corruption, Alaa et Gamal se sont ainsi dit non coupables. Après une audience de quatre heures, le juge a ajourné le procès des trois hommes au 15 août. Le procès pour meurtres de manifestants de l'ex-ministre de l'Intérieur Habib El Adli et de six hauts responsables de la police a, lui, été ajourné à aujourd'hui (jeudi). A signaler que l'un des avocats représentant la société civile a demandé à ce que le maréchal Hussein Tantaoui, ministre de la Défense de M. Moubarak pendant 20 ans et aujourd'hui chef d'Etat de facto de l'Egypte, comparaisse en tant que témoin. En attendant le 15 août, la justice a ordonné que Hosni Moubarak reste au Caire et qu'il soit admis dans le Centre médical international. A préciser que c'était la première fois que le président déchu apparaissait en public depuis sa démission le 11 février.