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Les décideurs doivent répondre devant les juridictions compétentes pour non-assistance à personne en danger Pr Aziz Tadjeddine. Président de l'Association de protection contre le sida (APCS-Oran)
-Depuis quand la pénurie des antirétroviraux dure-t-elle ? La pénurie dure depuis 2005, elle est devenue récurrente depuis mai 2010. Il faut savoir qu'il existe un seul centre de référence (CDR) et donc de traitement pour les 16 wilayas de l'Ouest et du Sud-Ouest. Ce CDR se trouve au niveau du service des maladies infectieuses du CHUO. Ce centre, soi-disant de référence et qui est censé répondre aux besoins des personnes vivant avec le VIH/ sida en matière de diagnostic, de suivi, de traitement, de prise en charge médico-psychologique, ne dispose pas de deux examens indispensables dans toute structure digne de ce nom, à savoir celui de la charge virale et le comptage des CD4. -Quels sont les médicaments qui sont en rupture ? Deux molécules seulement sont disponibles (Kaletra et Stockrine) que l'on ne peut combiner ensemble selon le protocole universellement accepté à travers le monde. Nous avons besoin donc de deux autres molécules pour que le «cocktail» soit efficace. Quatre molécules pouvant être combinées ne sont pas disponibles. Encore une fois, en ce qui concerne la trithérapie et comme son nom l'indique, il faut trois médicaments. Si un seul vient à manquer, c'est toute la stratégie thérapeutique qui est inutile, voire dangereuse. Il faut savoir aujourd'hui que le traitement lui-même est une arme préventive, puisque les personnes sous traitement antivirale cessent de transmettre le virus et peuvent vivre normalement, envisager des grossesses avec de grandes chances d'avoir des enfants sains, etc. -Quelle est l'origine de cette pénurie ? L'Etat algérien a consenti et consent de grands moyens financiers à la prise en charge médicale du VIH/sida. Malheureusement, nous sommes dans un système de non-qualité, un système bloqué où la non-gouvernance, la mauvaise gestion, le déni des réalités que tout le monde peut vérifier font que nous ne prenons pas nos problèmes à «bras-le-corps» et essayons d'y trouver des réponses avec l'ensemble des concernés, y compris les personnes touchées. Ce n'est pas par des déclarations à la télévision que l'on peut régler le problème. Il faut une véritable traçabilité du médicament. Les personnes et les communautés ont besoin d'être associées à la gestion de leur santé. C'est une exigence ett non un choix de bureaucrates ayant la certitude qu'ils sont détenteurs de pouvoirs «divins». Les décideurs doivent comprendre que nous ne vivons pas en vase clos et que tôt ou tard, ils doivent répondre devant les juridictions compétentes et impartiales, pas seulement pour ne pas avoir pris les bonnes décisions en concertation avec les usagers et selon les protocoles validés sur le plan international, mais surtout pour avoir mis en danger de mort des personnes et pour non-assistance à personne en danger. -Quelles sont les conséquences de cette pénurie sur l'état de santé du sidéen ? Une personne vivant avec le VIH sous un protocole thérapeutique adéquat, continue sans interruption, de qualité et respectant les normes et protocoles en vigueur, est une personne qui peut vivre normalement et son espérance de vie rejoint celle de personnes indemnes. Les pénuries de médicaments mettent en danger non seulement la personne elle-même, mais également leurs partenaires sexuels. Elles compliquent également davantage la lutte contre le VIH/sida par l'apparition de résistances primaires et ou secondaires aux médicaments. -Que faut-il faire pour palier la pénurie d'antirétroviraux ? Il n'y a malheureusement aucune alternative. Il faut absolument que les pouvoirs publics assument leurs responsabilités en matière de disponibilité des antirétroviraux dans tous les centres de référence du territoire national, y compris celui de Tamanrasset. Il faut rapprocher la prise en charge thérapeutique en créant d'autres CDR. Les associations thématiques à travers le pays, notamment Alger, Oran et Annaba, ont acquis une expertise et un savoir-faire ; il appartient aux décideurs de les associer. Il est aussi important, à l'instar des autres pays, de relancer le Programme national de lutte contre le sida (PNLS) et de responsabiliser tout un chacun : qui fait quoi ? Nous en avons les moyens, nous avons pris l'engagement devant Dieu et les hommes.