Les pas sages d'un fou, ou quelques aventures de Nasredine le hodja, tel est le titre du spectacle joué par Kamel Zouaoui. Il redonne vie à Djeha, le personnage le plus connu du monde arabo-musulman. Avignon, (France) De notre envoyé spécial Pour la deuxième année consécutive, l'Algérien Kamel Zouaoui nous a transportés à Avignon sur les pas (sages) de Djeha, dénommé dans ce spectacle Nasredine le hodja.Une salle comble a applaudi pendant plus de vingt jours l'antique sagesse toujours actuelle d'un fou bien trop lucide.Pour ce one man show, Kamel Zouaoui a sélectionné 26 histoires, sur un répertoire connu qui en compte plus de 2000.Initialement, c'était à Paris, au théâtre du gymnase, l'un des plus connus de la capitale française, que le spectacle avait été rodé en 2009. Il obtient depuis à chaque fois un vif succès. A Avignon, où il revenait cette année pour son deuxième festival off, le comédien nous a confié avoir eu beaucoup de contacts pour de nouvelles représentations, en France et dans le monde entier puisqu'il a déjà joué dans des pays comme l'Egypte. Son prochain rêve serait de parvenir à transformer Nasredine les pas sages d'un fou en une comédie musicale dans les règles de l'art.Il est tellement simple et humble, comme son héros, qu'il finira bien à y arriver. «Nasredine c'est lui qui m'a choisi, nous a-t-il confié. Une amie m'avait offert le livre illustré de Jihad Darwiche Les sagesses et les folies de Nasredine le hodja, Peu à peu, ces sagesses ont fait écho en moi.Je me suis mis à lire tout ce qui a été publié sur ce personnage, et j'ai compris son importance. C'est lui qui m'a choisi comme porte-parole temporaire.»Venu au théâtre à l'âge de 9 ans, dans un quartier de Saint-Etienne, où il y avait chaque année des ateliers pour les jeunes des quartiers, il a fait du théâtre, du cirque, des voyages : «J'ai rencontré Fratellini et fait surtout un travail sur Chaplin. Ensuite, de façon plus sérieuse, j'ai passé un bac théâtre et langues étrangères, une des premières éditions de ce diplôme, qui m'a permis une rencontre avec une grande dame du théâtre, Ariane Mnouchkine. Ensuite, à Lyon, j'ai fait psycho avant de me retrouver à Paris où j'ai repris des cours de théâtre, dans un centre d'accueil des jeunes travailleurs, puis ce fut la découverte de Nasredine.» «Maintenant, je sais d'où je viens» Voilà le parcours ordinaire d'un jeune Algérien de 37 ans, né à Saint-Etienne, d'un père arrivé en France pour travailler dur dans les mines du Forez.Du reste, Kamel Zouaoui n'avait jamais vu le pays des racines jusqu'au début de l'année 2011. Grâce à son personnage Djeha, auquel il a rendu la vie sur scène, il a pu redécouvrir les douceurs du pays, en janvier, puis en juin dernier. «A force de conter aux gens, de parler quelques mots en arabe ou en kabyle dans mon spectacle, je me suis dit, est-ce que je ne serais pas en train de mentir à ces gens en leur vendant un Orient, un Maghreb, des couleurs, des sensations que je n'ai pas moi-même vécues, car je n'étais jamais allé en Algérie ? J'ai pris alors pris le risque de me déstabiliser en partant pour Tlemcen en janvier au risque de me trouver face aux fantasmes que je me faisais sur un monde inconnu. J'ai donné mon spectacle, et j'ai reçu un tel accueil, que j'en suis rentré modifié. En mai, pour un deuxième voyage, j'ai joué à Tizi Ouzou, à Béjaïa, avec mon père qui m'a guidé là-bas, sur ces terres, si j'ose dire, pour lui dire que son émigration n'a pas été vaine, et j'ai vu ses yeux embués de larmes. J'ai compris le sens que ce voyage avait pour lui. Et maintenant, j'y retourne, maintenant, je sais d'où je viens.»C'est en Algérie, en ce mois d'août, synonyme de recueillement avec le Ramadhan, qu'il a choisi de se reposer de la pression d'un mois avignonnais sur les chapeaux de roues. Une façon de se ressourcer.