Origine n Le personnage de Djeha serait donc historique et aurait porté le nom de Nasredinne Hodja ou Khodja. Ses anecdotes se retrouvent dans plusieurs pays. Il n'y a pas de doute que le personnage facétieux de la littérature orale algérienne est Djeha (prononcé parfois, Joha). On le retrouve particulièrement partout : à Alger, en Oranie, en Kabylie, dans le Constantinois et même au Sahara. Le personnage est parfois acclimaté aux mœurs de la région : ainsi, il y a un Djeha arabe et un Djeha kabyle, un ouargli et un ngouçi (une région proche de Ouargla), des Djeha musulman, juif, voire roumi (chrétien). Les histoires se ressemblent et une histoire racontée dans une région se retrouve dans l'autre, avec quelques variantes. Mais avant de commencer à raconter les histoires de ce personnage, commençons par raconter son histoire. Ce personnage, si prisé des Algériens, nous vient, en fait, d'ailleurs, de l'Asie mineure où, au XIXe siècle, un orientaliste français, Cantemir, affirme avoir vu son tombeau à AK Chehir, en Anatolie occidentale. Le personnage serait donc historique et aurait porté le nom de Nasredinne Hodja ou Khodja. Comme Cantemir parle, avec une abondance de détails d'une entrevue entre Nasredinne et le chef tatare Tamerlan, il le situe au début du XVe siècle, soit exactement en 1401. Amusé par les facéties du personnage, Tamerlan en aurait fait son bouffon officiel. Mais ce détail historique est ignoré des sources arabes, persanes et turques qui préfèrent situer le personnage plus tôt : il aurait vécu au XIIIe siècle et serait parti vers 1237 à Ak Chehir où il serait mort vers 1284, et où se trouve son tombeau. D'autres sources encore repoussent plus loin l'existence de Djeha, qui aurait vécu à Koufa au VIIIe siècle ! Quoi qu'il en soit, le personnage n'est pas totalement fictif, et ce Nasredinne Khodja aurait pu, par ses facéties, l'inspirer. Le Kitab al Fihriste d'Abû Ishaq (Xe siècle), cite parmi les livres de plaisanteries, un Livre de Djoha. D'autres ouvrages seront édités, en arabe, en persan et en turc, et le personnage fera bientôt le tour du monde musulman, voire des pays où les musulmans ont exercé une influence. Si le personnage est connu chez nous et au Maghreb sous le nom Djoha, ce n'est pas son nom le plus connu dans le monde où on préfère le désigner sous son vrai nom, Naseredinne Khodja, prononcé différemment selon les langues. En Turquie, le seul nom connu est Nasredinne Hodja ou Khodja. Ce nom se retrouve dans la plupart des régions d'Asie et d'Europe, autrefois dominées par les Turcs, avec des variantes dans la prononciation : Nasredine Hoxha (Albanie), Nasruddin Khoja (Bosnie), Nastradin Hoca (Bulgarie), Nastratin Hogea (Roumanie), Stradin Hoca (Macédoine), Nastradhin Chotzas (Grèce). Le nom se retrouve aussi dans les pays d'Asie : Nasreddin Hoja (Kazakhstan), Nasradin Afendi (Kirghiztan), Khodja Nasreddin (Ouzbékistan), etc. En Iran, c'est Mulla Nasruddin, au Pakistan, c'est Molla Naserudin, en Malaisie, Maulana Nasureddin… Le personnage se rencontre même en Chine, dans les régions islamisées sous le nom de Afandi. Finalement, il n'y a que l'Egypte et le Maghreb qui lui donnent le nom de Djeha, prononcé différemment : Goha (Egypte), Djeha, Jha, Jeha, Dj'ha, voir Ch'h'a. Mais maintenant, place aux savoureuses histoires de notre Djeha algérien. (à suivre...)