L'intense activité terroriste, ces dernières semaines, relance le débat sur les capacités de nuisance des groupes armés et, par conséquent, pose la lancinante question de l'efficacité de l'Etat à venir à bout de ce «phénomène» qui dure depuis deux décennies. Les déclarations lénifiantes sur le terrorisme résiduel, chères à l'ex-ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, sont battues en brèche par l'accroissement des attentats ciblant notamment les services de sécurité. En l'espace de deux mois, plusieurs attentats ont été perpétrés, essentiellement au centre du pays. Un décompte succinct montre l'ampleur des dégâts. A la mi-juillet, un attentat à la bombe a été commis dans la localité de Baghlia (Boumerdès), ciblant des militaires. A la même période, un double attentat a ciblé un commissariat dans la localité de Bordj Menaïel, faisant deux morts et une dizaine de blessés. Quelques jours après à Thénia, un véhicule bourré d'explosifs, avec à son bord trois kamikazes, a tenté de foncer sur un barrage de la gendarmerie ; les éléments ont riposté en tirant. Dans la wilaya de Bouira, une patrouille militaire a été la cible d'un attentat dans la région de Ouled Benfodil. En plus de ces actions spectaculaires, la presse nationale rapporte régulièrement, depuis le début du mois d'août, des attaques terroristes contre les forces de sécurité, pour arriver à l'attentat le plus spectaculaire qui a frappé en plein centre-ville de Tizi Ouzou, dimanche passé. Cette spirale de la violence réinstalle le pays, tout particulièrement le Centre, dans l'inquiétude, d'autant que la terreur des années 1990 demeure vive dans la mémoire des populations. Comment peut-on expliquer ce regain de violence terroriste alors que la région du Centre est soumise à un quadrillage policier et que l'armée a lancé «des opérations de grande envergure» ? Pour le journaliste et spécialiste de l'islamisme radical H'mida Ayachi, «il n'y a pas eu éradication du terrorisme. Cette escalade était prévisible, cherchant à la fois un effet médiatique et en même temps montrer que les groupes armés sont capables de frapper de manière spectaculaire. Ce terrorisme local persiste encore et va maintenir cette cadence pour les dix prochaines années. Isolés au sein de l'opinion, les groupes du GSPC ciblent les forces de sécurité dans une tentative de gagner la sympathie des populations». Pourtant vaincus militairement, les groupes terroristes ont réussi à se reconstituer, au nez et la barbe de l'Etat. «Si l'islamisme radical a été vaincu militairement, l'Etat a paradoxalement perdu la bataille politique et idéologique. Le salafisme s'est régénéré à travers des mosquées contrôlées par des imams de cette obédience, au sein même du ministère des Affaires religieuses, dans les écoles. Mais la dangereuse extension de l'idéologie salafiste se trouve dans la presse arabophone, qui distille un discours salafiste et conservateur. Elle fait le lit du salafisme», analyse M. Ayachi. Il ajoute, dans ce sens, que «l'Etat a fait beaucoup de concessions au profit de cette idéologie, alors qu'il ne fallait surtout pas séparer le salafisme dit ‘scientifique' qui alimente la violence du salafisme radical (salafia al dihadia)». Plus que cela, H'mida Ayachi évoque aussi le fait que les repentis étaient lâchés dans la nature sans que l'Etat prenne des mesures les plus à même d'empêcher de renouer avec les groupes terroristes. Conséquence : «Des dizaines d'entre eux ont regagné les maquis, d'autres ont constitué des noyaux de recrutement de nouveaux terroristes. Ils sont devenus des intermédiaires», observe-t-il.