Conscients de leur incapacité à instaurer la dawla islamia, les groupes terroristes adoptent, comme mode opératoire, l'attentat kamikaze destiné à inspirer le maximum d'horreur et à profiter d'une couverture médiatique la plus large possible. Quatre personnes, dont trois policiers, ont été tuées mardi à Thénia, dans un attentat suicide à la voiture piégée visant un commissariat de police. Cette attaque terroriste a fait également une vingtaine de blessés dont certains sont dans un état grave. À l'annonce de cet autre attentat kamikaze, commis à peine plus d'un mois après celui du 11 décembre, il est tout à fait légitime de penser que le cauchemar dans lequel est plongé le pays risque de s'éterniser. Pourtant, dans le détail, c'est une toute autre perspective qui s'offre à nous et, paradoxalement, malgré l'horreur de ce crime, on peut oser dire que les choses sont en train d'évoluer dans le bon sens. Même si l'on nous rétorque qu'une mort est une mort de trop, et qu'un attentat suicide reste toujours l'expression de la capacité de nuisance de l'ex-GSPC. D'abord, il faudrait peut-être remettre les choses dans leur contexte et dire que c'est un attentat manqué. En ce sens, nombreuses sont les dépêches d'agences internationales au fait des détails du déroulement de l'attaque du commissariat de Thénia qui mentionnent expressément que “c'est un attentat manqué”. En effet, la fourgonnette piégée n'a pas réussi à atteindre le commissariat, et pour cause, des policiers ont fait feu sur elle avant qu'elle n'atteigne le bâtiment qui abrite le commissariat. Le véhicule s'est heurté à plusieurs obstacles, notamment des barrières dressées devant le commissariat, ce qui a permis aux policiers en faction de le repérer et de le détourner de sa cible, ont indiqué les témoins. Le GSPC s'attaque aux populations contrairement à ce qu'il prétend Le kamikaze a actionné la mise à feu de la bombe qu'il portait lorsque les policiers ont commencé à tirer sur son véhicule. S'il avait été atteint mortellement par les agents de l'ordre, il n'aurait pu actionner le détonateur. Imaginons le véhicule exploser dans le commissariat. On préfère ne pas penser aux conséquences sur les habitants de l'immeuble. Car, même loin de son objectif, l'explosion a causé des dégâts très importants autour du commissariat. Sept immeubles au moins ont été éventrés. “Nous avons eu la vie sauve par miracle”, expliquait une vieille dame, dont la villa a été soufflée par la déflagration. Le miracle, c'est plutôt le nouveau dispositif mis en place dans la lutte antiterroriste qui a réduit de manière significative la marge de manœuvre des terroristes. Non ! Le GSPC, n'est plus capable de frapper où il veut, quand il veut et qui il veut. N'oublions pas que Thénia reste aux confins du nouveau dispositif sécuritaire mis en place par les services de sécurité pour prévenir toute action terroriste dans la capitale. Le choix de la ville de Thénia n'a donc rien de stratégique, sauf éventuellement d'être la ville la plus proche de la limite sécuritaire du Grand-Alger et également très proche de la zone opérationnelle des groupes terroristes activant dans la wilaya de Boumerdès. Ce qui réduit le risque d'exposition, particulièrement avec le renforcement des barrages de contrôle à l'entrée d'Alger et des grandes villes. Le choix de l'heure de l'attentat, lui non plus, n'obéit à aucun objectif, sauf celui de profiter d'un flottement dans la vigilance des services de sécurité au moment de la relève au niveau du commissariat. Autrement, les terroristes auraient choisi une heure de grande affluence et une zone de la capitale à grand impact médiatique. Il est vrai que les attentats suicide sont quasiment imparables, selon les experts, mais il semble bien que les services de sécurité algériens sont en passe, à défaut de les réduire à néant, d'en atténuer la violence. L'opération suicide d'hier ressemble à un acte désespéré des derniers membres de l'organisation Al-Qaïda au Maghreb qui entre dans la logique d'allégeance au chef de la nébuleuse Al-Qaïda, Oussama Ben Laden, pour signifier à ce dernier qu'ils sont encore dignes d'appartenir à son organisation. Car le label Al-Qaïda, grâce à une médiatisation à outrance, reste le seul espoir d'exister pour Droukdel et compagnie. D'où la persistance dans le même mode opératoire qui risque de devenir, disons-le, contre-productif, particulièrement sur le chapitre du recrutement des candidats au suicide, du moins ceux qui croient toujours que le GSPC a les moyens de ses ambitions. Rappelons, à ce propos, le communiqué qui a été diffusé par le GSPC au lendemain des attentats d'Alger. N'est-ce pas que ce document clamait que ces attaques sont la réponse du groupe aux affirmations que celui-ci était affaibli et servent à venger la mort des leaders du groupe tués par les forces algériennes de sécurité. Les terroristes ont profité d'un certain relâchement des mesures de sécurité après les élections locales du 29 novembre, déclarait de son côté le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni. Belkhadem, Chef du gouvernement, déclarait pour sa part que ces attentats attestent de l'impuissance et du désespoir de ce groupe, qui “tente de montrer qu'il a la capacité de s'en prendre aux symboles de l'Etat”. Quant aux responsables des services de sécurité algériens, ils se sont vite attelés à remonter les filières, notamment en ce qui concerne les laboratoires de fabrication des explosifs, l'acheminement des produits entrant dans leur fabrication, et surtout les commanditaires de ces attentats. Droukdel veut punir la population pour l'avoir marginalisé Depuis les attentats du 11 septembre 2001 à New York et à Washington, le terrorisme et plus particulièrement Al-Qaïda occupent une place centrale dans le monde des médias. Nombreux sont les commentateurs qui soulignent que les attentats du 11 septembre 2001 ont inventé “un terrorisme de type nouveau”. Sa particularité, selon ces mêmes commentateurs, est qu'il ne revendique rien de précis. Et dans le cas du GSPC, la volonté de l'instauration de la dawla islamia en Algérie est tout à fait illusoire car le simple bon sens, si tant est que le terrorisme en a, voudrait aujourd'hui que des groupuscules armés et de surcroît résiduels ne peuvent avoir cette prétention, étant dit qu'ils n'ont pas les moyens de cette ambition, particulièrement quand ils ont perdu toute sympathie au sein de la population. Par contre, ce qui est certain, c'est cette obsession de l'organisation de Droukdel “de punir la population” pour l'avoir marginalisé. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'il est possible d'expliquer l'allégeance du GSPC à Al-Qaïda. Mieux encore, Al-Qaïda au Maghreb a carrément épousé les méthodes du mercenariat pour attirer les jeunes sans ressources financières dans ses filets. En effet, chaque élément recruté permet à sa famille de mieux subsister grâce à la généreuse compensation financière octroyée par les terroristes. La misère est ainsi exploitée jusque dans les extrêmes limites. Des horizons bouchés, un avenir incertain restent un terreau appréciable de fabrication de kamikaze. Les “candidats au suicide, nous disent les experts, sont le signe non d'un fanatisme religieux mais d'un désespoir”. Le désespoir des jeunes recrues, mais surtout des groupes terroristes qui savent aujourd'hui plus que jamais qu'ils seront incapables de déstabiliser l'Algérie et encore moins d'arrêter son développement ou encore d'empêcher l'accomplissement d'un Etat républicain et démocratique. Reste donc l'attentat kamikaze, aveugle, spectaculaire, et qui fait le plus grand nombre de victimes, destiné à inspirer le maximum d'horreur, et surtout à braquer les feux de la rampe grâce à une couverture médiatique la plus large possible qui crée malgré elle cette illusion de force, de crainte et d'invincibilité. Cet aspect n'a pas échappé aux terroristes, et en ce sens, les experts s'accordent à dire que l'aide la plus importante qu'ils reçoivent vient de la publicité que leur accordent les médias : télévisions, radios, journaux. Et à ce propos, il serait peut-être intelligent de ne pas reprocher aux médias publics l'impasse qu'ils font généralement sur les activités terroristes. D'autant mieux que la notion de service public sert une telle ligne éditoriale qui s'appuie sur l'aide de l'Etat pour quitter “la sphère du sujet qui fait vendre”. C'est principalement ce levier que cherche le terrorisme pour avoir un impact psychologique immense au regard des moyens humains et matériels mis à contribution pour accomplir des attentats comme ceux d'Alger ou celui de Thénia. Ainsi on saura qu'il a suffi de deux volontaires au suicide, de deux éclaireurs et de deux autres pour faire la reconnaissance du terrain afin de mettre le 11 décembre toute l'Algérie en ébullition et même faire douter de nombreux Algériens sur les capacités des services de sécurité à arriver à bout du terrorisme. Zahir Benmostepha