Après le glaive - un lourd tribut à la liberté de la presse a été payé par les journalistes durant la décennie noire du terrorisme -, la condamnation. Le harcèlement contre les journalistes, durant l'année 2005, a pris des proportions surréalistes. Des peines pleuvaient dru chaque mardi, au tribunal d'Alger. Résultat : Pas moins de 18 journalistes étaient condamnés durant l'année précédente par la justice algérienne à des peines d'emprisonnement. Des dizaines d'autres ont été condamnés à des peines de prison avec sursis. Cela sans compter les lourdes amendes dont devraient s'acquitter soit des journalistes ou des titres de la presse écrite à chaque procès. Maître Benissad, SG de la Ligue algérienne de la défense des droits de l'homme (LADDH), qui dénonce ces condamnations, estime que le journaliste ne doit pas faire l'objet d'un harcèlement judiciaire et encore plus d'un emprisonnement. Cela en tenant à rappeler que le principe de la liberté d'expression et de la liberté de la presse sont des droits fondamentaux. Aux yeux de l'avocat, la procédure civile est la plus appropriée pour le jugement des journalistes. « Mais il n'est pas acceptable que les journalistes soient emprisonnés », a-t-il souligné. Pour sa part, maître Boudjemaâ Guechir, président de la Ligue algérienne des droits de l'homme (LADH), situe le problème dans le système politique algérien, qui essaye, selon lui, de mettre la justice et la presse dans une situation conflictuelle. Notre interlocuteur rappelle que le harcèlement des journalistes a commencé avec la création de la section spéciale des journalistes. Le code pénal de 2001 a, affirme-t-il, alourdi les condamnations à l'encontre les journalistes. Le système politique du pays est mis à l'index. Celui-ci, précise Boudjemaâ Guechir, a livré tous les moyens permettant le freinage de l'exercice démocratique. Les contraintes jalonnant l'exercice du métier de journaliste, notamment l'accès à l'information, ont été relevées par l'avocat. Le journalisme d'investigation est quasi impossible devant de telles pratiques de verrouillage et d'opacité dans la gestion des affaires du pays. Les mêmes condamnations émanent également des partis politiques. Ainsi, le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD) dénonce ces condamnations et témoigne son soutien à la corporation qui a tant donné et qui a souffert surtout durant le période du terrorisme. Pour Mohamed Khendek, chargé de communication au RCD, la condamnation des journalistes participe d'une démarche globale du pouvoir pour faire taire toute protestation contredisant la démarche et la politique du pouvoir. Pour le parti de Saïd Sadi, le pouvoir doit comprendre que l'ère de la politique du grégaire est révolue. « Le RCD lance un appel à toutes les forces démocratiques à se mobiliser contre cette façon d'agir afin de démontrer au pouvoir que les pratiques des année 70 sont obsolètes », a déclaré Mohamed Khendek. Même analyse au MDS. Hocine Ali, secrétaire général de ce parti, a précisé que la condamnation des journalistes participe d'une volonté du pouvoir de soumettre la société à une forme d'autoritarisme. Le MDS, selon notre interlocuteur, se dit indigné par ce type de comportements qui contrarient le combat pour la libre expression des journalistes et la pratique de la démocratie. Même son de cloche au Parti des travailleurs (PT). Djelloul Djoudi, chef du groupe parlementaire du PT, a estimé « anormale la condamnation des journalistes pour leurs écrits ». Le parti, selon lui, réitère sa position de principe appelant à l'abrogation des articles 44 et 44 bis du code pénal. Le FLN, par la voie de son chargé de la communication, Saïd Bouhedja, a estimé que « le journaliste doit agir dans le cadre du code de l'information et que la libre expression ne devrait pas se transformer en insulte ou en diffamation qui sont des délits régis par le code pénal ».