La circoncision n'est pas un geste banal mais il s'agit d'un véritable acte opératoire, et à ce titre, il doit répondre à certains impératifs : - Il doit être pratiqué par un opérateur qualifié ; - un interrogatoire soigneux et un examen préopératoire sont nécessaires pour s'assurer de la parfaite santé de l'enfant et détecter toute contre-indication à l'intervention ; un bilan peut être nécessaire, le groupage sanguin est de règle ; - il se fait de façon aseptique avec les mêmes précautions que pour toute autre intervention chirurgicale ; -il doit être programmé et doit se faire sans douleurs sur un enfant préparé psychologiquement de préférence ; - l'anesthésie peut être locale et ou générale. Dans le cas d'une anesthésie locale et compte tenu du risque d'un choc au produit anesthésique, une perfusion doit être installée préalablement : adrénaline et corticoïdes doivent être à portée de main (le choc au produit anesthésique est souvent mortel) ; - l'anesthésie générale, lorsqu'elle est possible, doit être préférée à l'anesthésie locale pour le confort de l'enfant et du chirurgien ; - une prémédication est conseillée (par un médecin anesthésiste) ; - la circoncision se réalise avec des instruments stériles ; sont proscrits thermocauther et bistouri électrique pour risque de brûlures et nécroses (expérience des enfants de Khroub) ; - l'opérateur doit porter des gants stériles, mains préalablement lavées et aseptisées. - une fois l'acte terminé, une vérification est faite avant la sortie de l'enfant, une ordonnance établie et des conseils sont prodigués à ses parents ; - quelle est la réalité du terrain ? A quoi assiste t-on lors des circoncisons de masse qui se font sous l'égide d'associations, d'APC, de sociétés et autres bienfaiteurs ? Voici décrite l'ambiance caricaturale des circoncisions de masse : Très souvent, des opérateurs animés de bonne volonté, mais sans contact aucun avec les parents de l'enfant, se chargent de l'exécution de l'acte. Celui-ci a lieu dans un hangar, une salle de mosquée ou d'APC… L'enfant, jamais examiné préalablement, se retrouve agressé par des inconnus qui le terrassent sur une table d'examen, laissant chez lui une cicatrice psychologique définitive dont on ignore la gravité. Le premier enfant circoncis a eu la chance de bénéficier d'instruments et d'un champ opératoire stériles. Mais à partir de ce moment là, la circoncision s'étant faite dans une atmosphère de cris, de hurlements et de désarroi de l'opérateur, toutes les règles d'asepsie sont alors ignorées sachant qu'il y a 40 ou 50 enfants qui attendent leur tour. Les mêmes instruments sont alors plongés dans une solution douteuse, les gants souillés de sang sont «blanchis» rapidement à l'alcool et on attaque le suivant. L'opérateur traumatisé par le 1er acte «musclé» a le front en sueur, et à l'aide de sa manche sur laquelle déborde le gant, il s'éponge allègrement le front avant d'aider à maîtriser l'enfant suivant. Cette même ambiance tumultueuse se poursuit souvent tard dans l'après-midi ou la soirée jusqu'a épuisement physique de toute l'équipe. L'ambiance dans les hôpitaux ne diffère pas de beaucoup de celle décrite précédemment ; il est illusoire de disposer de dizaines de boîtes d'instruments stériles pour entreprendre les 100 garçonnets programmés. Tout le monde s'affaire, qui, dans une salle de soins, qui, dans un couloir, qui, dans une salle opératoire assaillie pour la circonstance par des parents en tenue civile venus aider à la maîtrise de l'enfant. Une ambiance cauchemardesque. Des bilans sanguins demandés pour se protéger éventuellement du juge, en cas de complication, sont rarement lus ; ils restent dans la poche du père, satisfait de les avoir faits mais ne sachant à qui les remettre. Certains nantis figeront à jamais, à l'aide de caméras numériques, l'ambiance ensanglantée qu'ils projetteront sur leur écran télévisé dans une atmosphère familiale tétanisée. Si, par un concours de circonstance malheureux, un enfant est porteur d'hépatite B ou du virus du sida, le voilà qui ensemencera ses poursuivants. L'enfant peut être hémophile (cas heureusement rare) ; un saignement en nappe intarissable va jeter l'émoi dans l'équipe et des tentatives d'hémostase vont être réalisées aggravant davantage la situation. Comment se procurer les facteurs d'hémostase lorsque l'on est à 100 km d'un hôpital, qui, de toutes les façons, en est dépourvu puisque ces facteurs ne sont disponibles que dans quelques rares hôpitaux du pays. Passons sous silence le risque de blessures lorsque l'enfant gesticule sous la lame tranchante et menaçante du bistouri et des infections post-opératoires du fait d'instruments souillés qui obligeront l'enfant à subir des pansements répétés horriblement douloureux. Les actes de solidarité, qui honorent leurs initiateurs, ne peuvent-ils pas se réaliser dans des conditions correctes ? Pourquoi a-t-on sacralisé le 27e jour du Ramadhan pour cet acte rituel entraînant une cohue indescriptible. Des articles de journaux distillent pompeusement des chiffres ahurissants à qui mieux mieux de 550-280-135 circoncisions réalisées dans telle ou telle structure (populisme oblige !!!). Mais dans quelles conditions ont-elles été faites ? Combien y a-t-il eu de blessés, combien y a-t-il eu d'infectés, combien mourront d'un lâchage d'une ligature de vaisseau faite dans la précipitation endeuillant une atmosphère festive ? Une éducation de la population devrait se faire à travers les médias et dans les mosquées pour que le 27e jour du Ramadhan ne soit plus considéré comme une journée plus importante qu'une autre pour programmer la circoncision de son enfant. Quant aux associations, sociétés nationales, APC… les occasions sont nombreuses au cours de l'année pour organiser des circoncisions en nombre limité et dans des conditions idoines pour que cet acte devienne et demeure un heureux événement. L'utilisation, si possible, de kits de circoncisions à usage unique composés judicieusement permet d'éviter bon nombre d'infections et la transmission de maladies. Le décret ministériel limitant l'acte opératoire au seul chirurgien est une bonne initiative, mais celui-ci est-il disponible dans toutes les contrées du pays ? C'est là où le rôle des responsables d'APC, d'associations… devrait intervenir pour l'organisation de campagnes de circoncision tout au long de l'année faisant appel à des équipes chirurgicales à titre bénévole, ou mieux rémunérées (un budget circoncision est généralement disponible) pour la pérennisation de ces actes de solidarité nationale. En conclusion, banaliser l'acte de circoncision serait une grave erreur, le politiser le serait davantage. La responsabilité de tous est engagée ; préservons l'avenir de ces petits innocents.