La branche canadienne de Transparency International(TI) reproche au gouvernement canadien de fermer les yeux sur les cas de corruption impliquant les entreprises de ce pays à l'international. La compétitivité des entreprises canadiennes à l'international ne doit souffrir d'aucune entrave, même si celle-ci a trait à la lutte anticorruption. C'est la couleur que semble prendre la politique du gouvernement canadien pour favoriser le développement des compagnies locales hors du pays. Cette critique sévère ne sort pas de la bouche d'un militant altermondialiste en manque de reconnaissance et de visibilité. C'est Wesley Cragg, le président de la section canadienne de Transparency International (TI), qui l'a affirmé la semaine dernière à la presse du pays de l'érable. L'ONG basée à Berlin (Allemagne) et que dirige depuis peu une Canadienne, Huguette Labelle, « soupçonne les autorités de fermer les yeux sur les cas d'abus pour ne pas nuire à la compétitivité des firmes canadiennes ». « Le gouvernement canadien se comporte de manière schizophrénique. L'un de ses premiers objectifs est de soutenir les compagnies du pays à l'étranger. Il n'est pas très pressé, dans cette optique, de poser des gestes susceptibles d'affecter leur compétitivité. D'un autre côté, il est tenu de se conformer à des critères éthiques élevés en matière de commerce international », a affirmé le président de TI Canada quelques jours après la célébration de la Journée mondiale de la lutte anticorruption, sans toutefois faire la une de la presse écrite ou l'ouverture des journaux télévisés ; l'opinion publique étant occupée à faire ses derniers achats pour les fêtes de fin d'année et profiter des soldes (les fameux Boxing Days nord-américains). Pour preuve. Depuis la promulgation en 1999 d'une loi visant à empêcher les entreprises du pays de verser des pots-de-vin à des fonctionnaires étrangers, celle-ci n'a été utilisée qu'une seule fois. Il s'agissait d'une affaire impliquant un agent d'immigration américain travaillant à l'aéroport de Calgary. Celui-ci a reconnu, en juillet 2002, qu'il avait accepté des pots-de-vin de Hydro Kleen Group, une firme de Red Deer, en Alberta. L'entreprise, qui cherchait à bloquer un compétiteur, a plaidé coupable du chef d'accusation et a dû payer une amende de 25 000 dollars canadiens. Le Canada a adopté la loi sur la corruption d'agents publics étrangers (LCAPE) en tant que signataire de la convention anticorruption de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE), rappelle-t-on ici. « Le gouvernement ne peut pas se contenter de créer la loi. Il doit démontrer qu'il cherche activement à la faire respecter », a martelé Wesley Cragg. Le peu d'enthousiasme du gouvernement canadien a été souligné, en 2004, par le groupe de travail de l'OCDE chargé du suivi de l'application de la convention anticorruption. Ce dernier déplorait, selon la presse, qu'« aucun programme d'action à l'échelle nationale n'ait été mis au point (au Canada) dans le but de contrer la corruption de fonctionnaires étrangers ». Il a aussi relevé que le sujet « avait peu d'attention dans le cadre de la planification globale des travaux du gouvernement depuis l'adoption de la LCAPE ». De son côté, le gouvernement canadien avait affirmé devant son parlement que le groupe de travail de l'OCDE a offert « une évaluation globalement positive de la lutte que le Canada a menée contre la corruption ».Toutefois, on souligne du côté d'Ottawa que « l'Agence canadienne de développement international et Exportation et développement Canada se sont dotés de directives strictes pour empêcher la corruption ». La Gendarmerie royale du Canada a désigné un officier chargé « d'assurer la supervision fonctionnelle de ses programmes anticorruption », affirme la presse qui rappelle que la police fédérale « mène actuellement des enquêtes relatives à des infractions à la loi anticorruption ». Le Canada n'est pas le seul pays dans cette situation. Transpasrency International avait indiqué en mars dernier que 4 Etats de l'OCDE sur 24 étudiés avaient entrepris plus d'une poursuite. Neuf autres pays n'avaient jamais entrepris d'enquête dans ce domaine, selon la presse. Il est vrai que jusqu'à il y a quelques années, certaines entreprises européennes pouvaient inclure les pots-de-vin dans leurs « déclarations d'impôts ». Comme quoi pour tout acte de corruption, il y a un corrompu et un corrupteur qui n'est pas nécessairement là où on pense !