Mouammar El Gueddafi reste introuvable. Après avoir fui sa forteresse de Bab El Azizia, toutes les hypothèses sont émises sur son lieu de localisation. La supposition du président du CNT relative à la fuite d'El Gueddafi vers les frontières algériennes n'est pas innocente. Le régime de Bouteflika récolte désormais les résultats de son positionnement, resté très obscur, sur le conflit libyen. Le président du CNT, Moustapha Abdeljalil, affirmait mardi soir qu'«El Gueddafi était en route vers les frontières de l'Algérie», sans dire qu'il est entré en terre algérienne. Toutefois, hier après-midi, il déclarait à France 24 : «Dieu seul sait où il se trouve. J'imagine qu'il a quitté Tripoli.» Le jeu de mots n'est pas fortuit. L'Algérie n'a jamais fait preuve de sympathie envers les rebelles libyens, depuis le début de l'insurrection, née en février dernier dans la ville de Benghazi. Les autorités algériennes pensent, non de manière officielle, que la destitution d'El Gueddafi répond à un agenda néo-colonial. Il est certain que pour Alger, le CNT n'est qu'un instrument de manipulation entre les mains de l'Occident. Cependant, les insurgés et leur bras politique, le CNT, ne nient pas leur collaboration avec l'OTAN. Ils l'admettent et disent que le seul objectif est de mettre fin au régime tyrannique et dictatorial d'El Gueddafi. En réalité, le pouvoir algérien n'a jamais cautionné les soulèvements populaires en Tunisie, en Egypte et en Libye. Il le prouve encore une fois en maintenant le silence sur les massacres des «assadistes» en Syrie. Le mot colle bien avec assassins. Cette attitude attentiste ternit l'image du pays. Le sérail fait croire aux peuples du monde entier que les Algériens n'ont ni valeurs démocratiques, ni amour pour la liberté. «La seule explication, c'est que la nomenklatura du pouvoir algérien a peur de s'effondrer», estiment des observateurs de la scène politique. Ceci étant, quels que soient les calculs du CNT ou de l'OTAN, la diplomatie algérienne pouvait jouer sur deux fronts. De nos jours, dans les relations internationales, la neutralité est un positionnement, pas un acte de «non-ingérence». Prendre comme référence la feuille de route de l'Union africaine n'a rien apporté. Ce n'était qu'un prétexte, tout en espérant le maintien d'El Gueddafi. En plus de cela, peut-on vraiment croire à une initiative conçue par des dictateurs, excepté Zuma. Le Maroc et la Tunisie possèdent-ils une vision stratégique plus réfléchie que celle de la diplomatie algérienne ? Ces deux pays avaient pourtant ouvert des canaux de dialogue avec le CNT, sans remettre en cause le régime «gueddafiste» de Tripoli. Le jeu sur deux fronts est la meilleure précaution. La Libye n'est-elle pas un pays frontalier ? Ce seul argument aurait pu suffire au cabinet de Bouteflika pour s'entretenir avec toutes les parties en conflit. Les tractations secrètes ne sont plus valables. La politique extérieure doit être approuvée par le peuple algérien. Cela dit, les liens entre l'Algérie et le futur pouvoir libyen risquent d'être tendus. Le CNT n'oubliera pas «la complicité du pouvoir algérien». Le régime d'El Gueddafi est fini. Tous les indicateurs sur le terrain le démontrent. Malgré cela, l'ancien maître de la Libye a réagi, hier matin, sur les ondes de la chaîne El Ourouba, suite à la prise de Bab El Azizia par les rebelles mardi après-midi, avec le concours de l'OTAN. «J'ai été discrètement dans Tripoli, sans être repéré par mon peuple. Je n'ai pas senti que Tripoli était en danger», a-t-il déclaré. Pour Mouammar El Gueddafi, la fuite de Bab El Azizia n'est qu'«un repli tactique». Le message audio appelait également les habitants à «nettoyer Tripoli des rats», allusion faite aux rebelles. En quittant son bastion, le dictateur qui a régné machiavéliquement sur la Libye pendant 42 ans, voit sa tête mise à prix, mort ou vif. Selon Reuters, des hommes d'affaires libyens ont proposé la somme de 1,7 million dollars comme récompense financière. Le Conseil national de transition, organe politique de la rébellion, a approuvé cette démarche. Il est notoire qu'en Libye, beaucoup d'hommes d'affaires sont issus du désormais ex-régime. Il semblerait que la fuite d'El Gueddafi sera similaire à celle de Saddam Hussein, au lendemain de l'invasion de l'Irak en 2003. Les déclarations des rebelles portant sur le lieu du refuge d'El Gueddafi ne semblent pas être authentifiées et se contredisent parfois. Les premiers le croyaient «toujours à Tripoli, dans le dédale de tunnels de son quartier général, Bab El Azizia». Par ailleurs, le porte-parole du régime loyal au colonel, Moussa Ibrahim, déclarait hier que «Mouammar'El Gueddafi est capable de résister pendant des années face aux insurgés». Les propos qu'il a ajoutés sur les chaînes El Ourouba et Al Rai, seront pris très au sérieux par le prochain gouvernement issu de la rébellion. «Nous allons transformer la Libye en un volcan de lave et de flammes sous les pieds des envahisseurs et de leurs perfides agents. 6500 combattants ont répondu à l'appel du guide.» Enfin, «le Nicaragua est prêt à accorder l'asile politique à Mouammar El Gueddafi s'il le demande», a annoncé Bayardo Arce, conseiller présidentiel, rapporte RIA Novosti. Là au moins, on connaît la position, claire et nette, de ces Centro-Américains…