Où est donc passé l'arrogant colonel Mouammar El Gueddafi ? C'est la question que le monde entier se posait hier au lendemain d'un triomphe historique de la révolution libyenne sous la houlette du Conseil national de transition, devenu de fait, le gouvernement provisoire de la Libye libérée de la dictature. L'opération «Sirène» a en effet sifflé la fin du régime personnel d'El Gueddafi qui a privé ses compatriotes d'un Etat moderne, à trop vouloir confondre, par une incroyable paranoïa, sa personne avec la Libye. Mais curieusement, l'ex-roi des rois d'Afrique», le «doyen» des dictateurs arabes, celui qui qualifiait ses concitoyens de «rats» s'est terré quelque part sans donner signe de vie… Hier, alors que le monde entier célébrait sa chute et témoignait sa reconnaissance au peuple libyen et au CNT, l'ex-maître de Tripoli s'est mis en mode inactif… Nul ne savait si El Gueddafi se trouvait dans sa résidence à Bab Al Azizia, ou qu'il soit parti au sud de la Libye, ou alors il a carrément quitté le pays. «Les Etats-Unis ne disposent d'aucune preuve qu'El Gueddafi serait parti», déclarait hier le porte-parole de la Maison-Blanche, Josh Earnest. Une vérité est certaine : le «guide» a perdu le droit chemin, voire le chemin tout court. Il ne resterait plus qu'à lui mettre la main dessus. Les rebelles ont pratiquement pacifié 95% des quartiers de Tripoli, selon les précisions du CNT. Il ne restait que le palais Bab Al Azizia au colonel, ses deux enfants, Khamis, Moatassim, sa femme et ses anges gardiens. Quant à Seif El Islam, qui, il y a deux jours encore, promettait l'enfer aux rebelles, son sort est déjà scellé. Arrêté dimanche soir à Tripoli, celui-ci est dans un lieu sécurisé à l'abri des regards. Selon Mustapha Abdeljalil, Seif El Islam devra répondre de ses actes devant la justice. Recherché par la Cour pénale internationale qui l'accuse de «crimes contre l'humanité», Seif El Islam pourrait être remis par le CNT à l'instance de La Haye qui l'a réclamé. Quant à Mohamed, un autre fils de El Gueddafi, arrêté chez lui à Tripoli, le CNT assure que celui-ci était «sous protection (des rebelles) à Tripoli» même si certaines sources soutenaient, hier, qu'il s'était enfui avec sa petite famille en compagnie des éléments fidèles à son père. Une Libye belle et rebelle Au plan international, la conquête de Tripoli par les rebelles a relégué, hier, les ignobles massacres de Bachar Al Assad au second plan. Signe de cette mobilisation mondiale, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a annoncé, hier, qu'il convoquait un sommet cette semaine sur la situation en Libye, en présence des dirigeants de l'Union africaine et de la Ligue arabe ainsi que d'autres organisations régionales. «Nous vivons un moment chargé d'espoir mais il y a aussi des risques en vue», a déclaré M. Ban en proposant l'aide de l'ONU pour assurer la transition politique en Libye où la capitale Tripoli était en train de tomber aux mains des rebelles. La France, l'un des premiers pays à soutenir l'insurrection libyenne contre le régime du colonel El Gueddafi, a proposé elle aussi d'accueillir la «semaine prochaine» à Paris une réunion du «groupe de contact» sur la Libye pour définir un plan d'aide aux nouvelles autorités. D'autres pays occidentaux et arabes multipliaient des initiatives et des gestes de soutien envers le CNT. Ce dernier, notamment son président Mustapha Abdeljalil, est rapidement passé du statut d'officine «louche» à celui de véritable gouvernement populaire, tout auréolé de la respectabilité de la communauté internationale. Quant à Mouammar El Gueddafi, le monde entier lui demandait, hier, de quitter le pays et laisser la Libye belle et rebelle. A-t-il entendu ces appels à la raison du fond de sa planque à Bab Al Azizia ? Pas si sûr.