Dernièrement, la Fondation Casbah, de concert avec l'opérateur Mobilis, a eu l'idée de lancer une opération baptisée «Casbah propre» destinée à débarrasser l'antique médina des ordures et des gravats qui jonchent le dédale de ses ruelles et venelles.Si l'initiative est louable à plus d'un titre, la réalité est tout autre, car opérer le curage d'une voie tout indiquée pour les touristes qu'est la rue de La Casbah, la plus proprette, en fermant l'œil sur le reste de la cité, ne relève guère du bon sens. A peine une quinzaine de volontaires motivés par des tuniques de l'opérateur ont tenté de faire semblant de balayer avant de laver à grande eau une ou deux rues triées sur le volet. Et puis plus rien. A croire que le café ne peut fleurer bon que lorsqu'on fait dans le boucan médiatique et le trompe-l'œil agitateur avant de voir l'action de volontariat, censée être un réflexe au quotidien, s'estomper. Même si des tonnes de détritus ont été enlevés, comme on le laisse croire, les ruelles de La Casbah ne restent pas moins repoussantes et ne donnent nullement cette image clean de la cité d'antan où il faisait bon vivre. Le thé à la menthe verte et le café qui faisaient bon ménage dans les établissements Laârich, Saci, Malakoff ou le café du non moins réputé rebouteur Benkanoun dans la Basse Casbah, lieu de rencontre des citadins, notamment les mélomanes et artisans, ne sont que de douces souvenances égrenées par de vieux Casbadjis qui se disent, par ailleurs, outrés par les scènes laides que résument le vomissement des eaux usées des canalisations éventrées, le dépavage des rues d'amont en aval, les monticules d'ordures mêlées aux décombres entassés à chaque coin de rue, que la cavalerie de Netcom peine à soustraire du paysage, devenu lépreux et nauséabond. Sans faire dans le rabat-joie, on a du mal à voir s'ériger en gage de bonne foi une tradition d'un café littéraire dans ces lieux s'il n'est pas accompagné d'un esprit collectif dont la préoccupation majeure est avant tout celle de nettoyer un site a fortiori patrimoine mondial. Il n'est pas moins faux aussi du thé littéraire où le contenu, quand bien même est de bonne foi, va à contresens du contenant dont les alentours donnent le haut-le-cœur de par notre comportement incivique. Car, n'est-ce pas mettre une chemise sur un torse crade ? Alors qui du café littéraire ou du thé littéraire réussira à renouer avec un cadre bâti moins répugnant dans notre «maudite» Casbah qui a vu évoluer dans une atmosphère feutrée notre chantre du chaâbi, le regretté Hadj M'rizek.