Il est communément admis que lorsque des Etats discutent d'un autre Etat, ce n'est pas pour dire que tout fonctionne. Cela traduit au moins une préoccupation. Encore que le bilatéral est le niveau le plus bas et pas forcément le moins fort ou dangereux en relations internationales. Depuis quelques semaines, la Syrie n'échappe pas à ces sujets qui font l'ordre du jour. Et pour cause, les Syriens, qui aspirent à la liberté et au changement, font face à une impitoyable répression. Tous les moyens de l'Etat ont été engagés pour réprimer ce souffle, et désormais la Syrie évolue dans un cercle de plus en plus restreint, perdant ses amis et même ses alliés. Il en est ainsi de l'Iran, présenté pourtant comme son principal allié dans la région avec le Hezbollah libanais, l'un et l'autre ayant décidé, à quelques heures d'intervalle, de prendre leurs distances avec le régime syrien. Le premier a affirmé, hier, que le gouvernement syrien devait répondre aux «revendications légitimes de son peuple», tout en mettant en garde contre un «vide politique» en cas de chute du président Bachar Al Assad. Le langage est fondamentalement nouveau, même si le chef de l'Etat iranien avait déjà appelé mercredi le gouvernement syrien à trouver avec ses opposants «une solution, loin de la violence», qui «sert les intérêts des sionistes». L'on assiste à une gradation dans la position iranienne, et son évolution est substantielle, même si cela ne signifie pas lâchage de la Syrie, du moins à ce niveau-là. L'approche iranienne se veut globale, puisqu'il est souligné que «les gouvernements doivent répondre aux revendications légitimes de leur peuple, que ce soit en Syrie, au Yémen ou ailleurs. Dans ces pays, les peuples ont des revendications légitimes et leurs gouvernements doivent y répondre rapidement», ajoutant que les événements en cours dans ces pays «sont dus au mécontentement des populations de ces pays». Adressé à un allié, le propos iranien est à la fois fort et inédit, même si les pays cités auront eux aussi à dire sur leur allié. Mais cela ne correspond-il pas à un état des lieux qui se veut très critique, puisque le chef du Hezbollah libanais, Hassan Nasrallah, a appelé vendredi les «amis» de la Syrie à œuvrer en vue de «calmer la situation» dans le pays pour éviter des conséquences «dangereuses» dans la région. La Ligue arabe a déjà décidé d'évoquer la situation en Syrie et dire au moins son inquiétude. Elle s'y est à nouveau intéressée hier lors de sa réunion ministérielle extraordinaire. La décision est rare pour passer inaperçue, la Ligue s'étant toujours abstenue de parler de ses membres, sauf quand ceux-ci faisaient face à une menace ou une attaque extérieure. Elle n'hésite plus à se saisir de questions intérieures, même timidement. L'organisation arabe ne pouvait se situer en deçà du travail accompli par d'autres organisations, ou peut-être même s'agit-il pour elle de prendre les devants. Ceci au moment où une mission humanitaire de l'ONU a jugé «urgent» de protéger les civils en Syrie, où la répression fait toujours des morts. «La mission a conclu que bien qu'il n'y ait pas de crise humanitaire à l'échelle nationale, il y a une nécessité urgente de protéger les civils contre l'utilisation excessive de la force», a-t-il déclaré. Selon l'ONU, le bilan de la répression s'élève à plus de 2200 morts depuis mars, et l'ambassadeur de Syrie à l'ONU, Bachar Jaâfari, a assuré le 11 août que 500 membres des forces de l'ordre avaient été tués par des manifestants depuis le début de la révolte le 15 mars. Pendant ce temps, les tractations se poursuivent au Conseil de sécurité de l'ONU, rendant vaine l'attente d'une résolution forte.