Il est désormais révolu le temps des années 1980 où les Algériens se rendaient en Tunisie, traveller's chèque en main, non pour faire du tourisme mais pour faire leurs achats dans les marchés, pour acquérir un modeste téléviseur de marque Carthage, des couvertures, ou des jeans «Fantasia». Aujourd'hui, c'est le contraire qui se produit. Chaque jour, des centaines de Tunisiens viennent surtout des régions frontalières, notamment Kasserine, Kef, Gafsa, de Kairouan et de Sousse, pour faire leurs emplettes quotidiennes dans les marchés des wilayas de l'Est. Les quatre postes-frontières de Tébessa connaissent un afflux permanent. Selon des chiffres qui nous ont été communiqués, ils seraient plus d'un millier de Tunisiens qui entrent chaque semaine en Algérie pour un séjour ne dépassant pas les deux jours. A Tébessa, ces Tunisiens affluent quotidiennement vers les marchés pour acheter des vêtements, des produits cosmétiques, de la vaisselle, en passant par le tissu d'ameublement et certains produits alimentaires. Le phénomène, qui ne date pas d'hier, a été dicté au premier temps par l'évaluation du dinar tunisien qui a franchi à la hausse le seuil des 70 DA. Cependant, depuis le déclenchement de la Révolution du jasmin en Tunisie, le phénomène a pris de l'ampleur, au grand bonheur des commerçants de Tébessa, qui reconnaissent cette aubaine. «Dieu merci, on vend de plus en plus de marchandises, on ne se soucie plus sur son sort et souvent on travaille avec les Tunisiens à la commande», affirme Redouane, un jeune commerçant. Les clients sont pour la plupart des femmes et des commerçantes qui revendent à leur tour la marchandise algérienne en Tunisie dans les marchés hebdomadaires et même dans les hammams, comme nous l'a précisé Raoudha, une femme mariée originaire de la ville de Kasserine. «Cela fait plus de deux ans que je fais ce commerce, je revends ma marchandise, surtout les vêtements féminins, comme le hidjab, l'écharpe… à mes voisines et aux collègues de travail de mon mari.» Pour le jeune Salim, un informaticien de formation, il achète son matériel informatique,d'El Eulma pour équiper son cybercafé à Feriana car, selon lui, les CD vierges, les flash disk ou autres produits sont très chers en Tunisie, surtout depuis la récession de l'économie tunisienne suite aux derniers événements. Ruée sur la vaisselle et les produits cosmétiques Les ustensiles de cuisine en inox ou en aluminium et les produits cosmétiques sont les plus convoités par le consommateur tunisien notamment durant le mois de Ramadhan du fait que ces produits sont très chers ou rares en Tunisie où la demande est très forte. «La vaisselle en Algérie est presque gratuite contrairement à la Tunisie où elle coûte les yeux de la tête ; mon amie et moi faisons deux voyages chaque semaine en Algérie pour l'achat des ustensiles à la demande de notre clientèle, et ça nous rapporte un bénéfice important», nous a déclaré une quinquagénaire rencontrée à la gare routière de Tébessa. «Les Tunisiens attachent en général plus d'importance à la marque et achètent davantage de marques d'importation, car elles sont moins chères ici en Algérie qu'en Tunisie», nous a confié le jeune Salim qui tient une boutique de cosmétiques en plein centre-ville de Tébessa.