De façon foudroyante et inattendue, les foules égyptiennes ont attaqué et occupé vendredi soir l'ambassade d'Israël au Caire, débordant largement les services de sécurité qui ne s'attendaient certainement pas à une réaction de cette ampleur. Une telle manifestation ne surprend pas pour autant. Les accords de Camp David, signés entre Anouar El Sadate et Menahim Begin, ont été accueillis comme une profonde humiliation par le peuple égyptien qui y voyait non seulement un acte de reddition devant l'ennemi sioniste mais aussi un complot qui l'isolait du reste du monde arabe, son environnement et sa famille naturels. L'arrivée au pouvoir de Hosni Moubarak en 1981 n'a guère remédié à la situation. Au contraire, le nouveau raïs s'est lié pieds et poings avec les dirigeants israéliens, au point que l'Egypte était désormais perçue comme un vassal d'Israël. Ce dernier, sans tact aucun, a redoublé d'arrogance avec sa doctrine de mise à genoux des peuples arabes en général et palestinien en particulier. Il ne pouvait qu'accentuer les rancœurs de masses se sentant déjà écrasées par un ennemi «sûr de lui et dominateur». De ce fait, la réaction de la rue égyptienne, vendredi, n'est pas un épyphénomène mais un sursaut de dignité longtemps bafoué. C'est ce qui explique aussi et en partie la prise de position du gouvernement d'Ankara qui a annoncé qu'à l'avenir les bateaux humanitaires turcs en direction de Ghaza seront escortés par la marine de guerre qui aura à répondre militairement à toute agression. Les Turcs, eux aussi, ont été humiliés par Israël qui a tué neuf de leurs citoyens qui participaient à une opération humanitaire pour Ghaza. Tel-Aviv a refusé de présenter des excuses comme le demandait le Premier ministre Erdogan. Il fallait laver l'affront. Les Israéliens ont perdu de vue le fait que le peuple turc est musulman et que naturellement il se sentait solidaire avec le peuple palestinien spolié de sa patrie, même si les gouvernements successifs d'Ankara avaient entretenu des rapports amicaux avec Israël. Ce dernier, mû pour son mépris pour tous les peuples de la région, a cru qu'il imposerait perpétuellement sa loi aux pays du bassin de l'Est méditerranéen. Comme il s'est trompé pour le peuple égyptien, qu'il a pensé définitivement soumis, il a mésestimé également le peuple turc. Les deux viennent de lui dire de façon spectaculaire que l'époque de son diktat est révolue.