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«Bouazizi , une rupture anthropologique»
Omar Carlier, historien, professeur à l'université Paris diderot
Publié dans El Watan le 24 - 09 - 2011

La société civile est la différence qui vient se placer entre la famille et l'Etat.
Elle appartient au monde moderne qui, seul, a reconnu leur droit à toutes les déterminations de l'idée». L'historien français choisit d'évoquer la définition de Hegel pour introduire le public du colloque dans l'underground de la société civile.
Dans son exposé fleuve intitulé «La culture démocratique de l'Etat colonial à l'Etat nation : le printemps arabe au regard de la longue durée», Omar Carlier remonte aux sources des sociétés civiles maghrébines, soit à la fin du XIXe siècle-début du XXe siècle avec l'émergence d'une «logique associative», une logique de «l'action collective», prémices de ce que l'universitaire appelle «la culture politique moderne» pour ne pas dire «démocratie», terme inapproprié dans des sociétés en situation coloniale.
Carlier pose la question «apparemment paradoxale» de la démocratie en situation coloniale. Les colonisés pouvaient-ils avoir une expérience de la démocratie ? L'historien passera en revue les «cas» algérien et tunisien, «les mouvements d'interactions fortes», les accumulations de savoir collectif, les influences orientales et occidentales, le rôle grandissant du couple association-pratique politique moderne.
Si le geste «fondateur» de Bouazizi constitue une rupture anthropologique, il s'inscrit néanmoins dans un continuum historique, affirme l'historien. «N'oublions pas, dit-il, les mouvements des jeunes turcs, égyptiens, tunisiens, algériens. N'oublions la dynamique des années trente, celle de Bandung et des mouvements d'indépendance avec d'autres éléments d'une dynamique collective de création collective qui peut s'inscrire dans le double registre de la société civile et de la démocratie politique.»Les sociétés post-coloniales ont à se réinvestir dans une idéologie qui a du sens depuis longtemps.
«Si pour la démocratie, on est obligé de dire en arabe dimocratia, le lexique politique de la modernité est là : doustour, hizb, houria, etc.»
Dans les sociétés arabes post-indépendance saturées d'enjeux (populisme , nationalisme, tiers-mondisme...), Omar Carlier a identifié trois changements majeurs «qui, directement ou indirectement, induisent nécessairement un autre type de rapport au politique et à la représentation. Car nous avons complètement changé de société. En deux générations, on est passé de sociétés très majoritairement rurales à des sociétés très majoritairement urbaines ; on est passé de la socialisation de masse à la culture de l'image ; l'inventivité et la créativité est entre les mains des jeunes générations qui ont une autonomie très forte mais qui est inscrite dans l'histoire du monde arabe contemporain».


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