Ce baraquement dont tout le monde semble ignorer l'existence, est la plaie de la ville, et ses occupants sont bel et bien enterrés vivants. Les familles qui s'entassent dans ce véritable précipice, où aucun être humain ne peut prétendre y mener une vie normale, crient encore une fois leur désespoir à la face des autorités de la wilaya. Le baraquement de Zerzara, ce bouge plein de fange, semble avoir été oublié, puisqu'il n'est pas recensé avec les 65 bidonvilles dont les occupants devront être recasés très prochainement. Ces gens, qui occupent les lieux depuis 1950, comptant à l'époque à peine deux ou trois petites familles, gravitant autour d'une ferme coloniale où étaient employés leurs pères, sont aujourd'hui au nombre de 170. Pour rappel, ce bidonville est le plus atypique de la commune de Constantine; d'abord à cause de son emplacement très retiré, quasiment caché en contrebas de l'institut d'architecture, et aussi parce qu'il est très difficile d'accès. Il faut traverser le terrain de sport de la résidence Zerzara, quasi clandestinement, et se faufiler entre les barres de fer servant d'enceinte entre l'institut et ces taudis, qu'on assimilerait volontiers à un camp de concentration, pour y parvenir. Il est également question de faire passer la conduite d'eaux usées par ce bidonville, et des travaux ont même été amorcés dans ce sens, avec le creusement de quelques fosses dans lesquelles des buses ont été installées, avant d'être arrêtés par les habitants. «Il est hors de question que des conduites de cette taille traversent notre espace, alors que nous souffrons déjà de plein de fléaux: maladies hydriques, respiratoires, dermiques… les insectes, les reptiles, les rongeurs», se révolte un habitant. Nous avons également constaté, sur les lieux, qu'il n'y a pas d'eau potable dans ce baraquement, hormis un filet douteux coulant dans une ancienne auge où s'abreuvait le bétail dans le temps. C'est une eau impropre à la consommation, dont un échantillon a été pris par les services concernés pour analyse, il y a déjà plus d'une année. Mais aucun diagnostic n'a été prononcé sur cette eau, qui, selon une mère de famille, rend malades leurs enfants, vu qu'elle est «jaunâtre et pleine d'impuretés». D'autre part, les habitants sont confrontés à un autre problème de taille: la déperdition scolaire. «Nos enfants traversent l'autoroute pour rallier l'école à Djenane Ezzitoune où il n'y a même pas de cantine; ils restent toute la journée sans manger, car ils ne peuvent rentrer à midi, alors comment voulez-vous qu'ils soient studieux ?» dénonce une autre mère de famille. Entre-temps, la saison des pluies approche à grands pas, et ces «laissés-pour-compte», comme se qualifient eux-mêmes les occupants de ce baraquement, se demandent, la peur au ventre, ce qu'il adviendra d'eux. «Nous sommes enterrés vivants dans ces lieux, et il n'y a aucune perspective d'avenir pour nous et nos enfants», s'écrient, à l'unisson, plusieurs personnes.