Les éditions Gallimard, qui gèrent le patrimoine des œuvres d'Albert Camus, publient un essai collectif relatif aux prises de position du romancier sur la peine de mort. Opposé de toujours à la peine capitale, il intervient à plusieurs reprises pour réclamer la grâce des condamnés algériens pendant la guerre de Libération nationale. Lyon De notre correspondant Retient-on suffisamment, dans l'histoire de l'écrivain français Albert Camus, sa prise de position nette et sans compromission contre la peine de mort ? Un ouvrage très documenté paraîtra cette semaine aux éditions Gallimard (Paris) sous le titre Albert Camus contre la peine de mort, dans la collection Hors série littérature. On se souvient qu'en 1957, Camus avait publié, avec Arthur Koestler, les Réflexions sur la peine capitale, un livre diversement apprécié à l'époque. La guillotine fonctionnait encore en France et en Algérie, où le pouvoir français pensait en faire une arme contre les révolutionnaires algériens. Après sa tentative gâchée de proposer la trêve civile en Algérie, lors d'une réunion houleuse à Alger en 1956, Albert Camus, on le sait, se réfugia dans un silence mortifère sur ce qui se passait dans son pays natal. Pourtant, écrit l'ancien ministre de la Justice Robert Badinter, cela «ne signifiait pas la passivité face à la peine de mort à laquelle recouraient les autorités françaises contre les militants du FLN condamnés pour terrorisme». L'ex-garde des Sceaux français, père de la loi d'abolition de la peine de mort en 1981, indique dans la préface (dont Le Nouvel Observateur a publié des extraits) que l'un des «apports de cet ouvrage est la publication de la correspondance échangée entre Camus et certains des avocats engagés dans la défense des accusés algériens (…). A leurs sollicitations, il a toujours répondu par des lettres et des démarches auprès du président de la République, René Coty, ou du président du Conseil, Guy Mollet. La grâce a parfois suivi. L'influence de Camus y a peut-être contribué». Si pendant quelques mois, après 1957, «les exécutions semblaient avoir été suspendues, tout comme les attentats par le FLN à la faveur des négociations secrètes auxquelles Germaine Tillon prit part» en janvier 1959, après le retour du général de Gaulle aux affaires, Germaine Tillon craint une reprise de la guillotine. «Elle écrit au général, bien sûr, mais également à Camus. Ce dernier s'adresse le 11 janvier 1959 au général pour solliciter la grâce de trois condamnées, celle-ci sera accordée». Une trentaine d'années après, après la prise du pouvoir par François Mitterrand, la peine de mort fut abolie en septembre 1981. Le Président était celui-là même qui avait refusé de nombreuses grâces en tant que ministre de la Justice. Albert Camus avait enfin obtenu, post mortem, la décision pour laquelle il s'était souvent investi.
* Albert Camus contre la peine de mort (Gallimard Paris, octobre 2011, collection Hors série littérature)