Le film sur la vie du grand écrivain Albert Camus, qui porte le titre simple de «Camus», du réalisateur Laurent Jaoui, a été diffusé mercredi dernier au soir sur France2. Une fiction tant attendue par de nombreux téléspectateurs qui espéraient, en cette occasion, découvrir l'homme révolté à travers le cinéma. Mais bien que Laurent Jaoui ait déclaré qu'il a longuement réfléchi avant de se lancer dans un tel projet et qu'il se soit inspiré des travaux d'Olivier Todd, son film est loin d'être un chef d'œuvre. Certes, on ne peut rien reprocher à Stéphane Freiss qui joue le personnage Camus, et qui semble à l'aise, sérieux, simple et timide comme Camus lui-même, il est cependant regrettable qu'un film sorti tout récemment et diffusé pour la première fois à la télévision, à l'occasion du 50ème anniversaire de sa mort, n'ait pas pénétré dans les pensées profondes de l'auteur. A vrai dire, pour un film sur la vie d'un monstre de la littérature du 20ème siècle, l'enthousiasme, l'engagement, le plaisir des mots et la personnalité complexe de Camus, sont pratiquement absents. On s'attendait à mieux. Dans cette fiction, on note par exemple l'absence de lieux très chers à Camus. Si Alger est évoquée mais très vaguement dans trois ou quatre scènes notamment lorsque Albert Camus est enfant et plus tard on le montre auprès de sa mère, il n'y a par contre, nulle trace d'Oran et surtout de Tipaza que pourtant Camus décrit magnifiquement dans « Noces». Autre regret, les 105 minutes contractent la vie de Camus dans son intimité, trop même, les histoires de sa femme et de ses maîtresses, comme si l'existence de l'écrivain ne dépendait forcément que des femmes qu'il a connues. On pourrait presque dire que c'est un film de série B. Ainsi, on s'est fixé sur son épouse Francine, sur sa dépression et sur l'infidélité de Camus. Or, la femme qui était chère au cœur d'Albert Camus était sa mère. La construction du film n'est pas linéaire, l'essentiel de l'histoire se déroule dans les années 50 en pleine guerre d'Algérie. On avance puis on recule, montrant le jour de l'accident puis un retour en arrière de 2 ans. On aurait aimé voir de la littérature au sens propre, car les œuvres «L'Etranger», «Noces » ou «La chute» ne figurent dans aucune scène. De même que pour le théâtre, les salons parisiens et l'engagement de Camus aussi sont à peine signalés. Plus étrange encore, est le simple clin d'œil fait à celui qui a partagé avec Camus une relation forte puis perturbée, il s'agit de Jean-Paul Sartre. Seulement deux scènes mettent les deux hommes ensemble. Par prudence peut être et tout au long du film, on sent que le mot Algérie dérange, plus particulièrement Camus qui parait embarrassé à chaque fois. La question de l'Algérie revient vivement lors de la remise du prix Nobel, à Stockholm. La scène de la conférence de presse est sans doute la plus réaliste, lorsque un étudiant algérien s'approche de lui et réclame le droit de l'indépendance de l'Algérie. Dépité et gêné, Camus lui répond par cette phrase qui deviendra célèbre : «Entre la justice et ma mère, je choisirai ma mère». Et d'ailleurs on comprend mieux dans quelles conditions il a donné cette réponse controversée. L'avant dernière scène est sans doute la plus intense. Camus parti avec sa femme et ses amis à la campagne pour passer quelques jours de vacances, décide à la dernière minute de rentrer en voiture avec le fils Gallimard. A bord de la Peugeot noire, ils empruntent une route droite et longue, la voiture dérape et c'est l'accident qui emporta Camus. Avant de mourir Albert Camus parlait à la fille et la femme de Gallimard, de son nouveau livre «Le Premier homme », qui dit-il est une fresque sur l'Algérie et une œuvre qui parle de l'homme et de la femme, de lui et de sa mère. Un film donc plat qui a dû certainement décevoir beaucoup de gens fascinés par Albert Camus, «Un fidèle infidèle» qui méritait certainement mieux qu'un téléfilm qu'on a déjà oublié.