Quand on a le talent de Aziz Chouaki, on peut tout oser et réussir admirablement. Sa dernière pièce, Chez Mimi, est inattendue, déroutante. Actuellement en France, il est sûrement l'un des auteurs les plus mis en scène. Boulimique, créatif, Aziz Chouaki écrit avec une facilité insolente, en explorant des contrées fantasmées qui ont été, il n'y a pas si longtemps, les nôtres. -Après L'Etoile d'Alger et Les Oranges, on vous attendait ailleurs que dans une comédie provençale chantée qui se déroule dans les années 1960... Oui, après pas mal d'ouvrages sur l'Algérie, j'ai décidé d'ouvrir les ailes, un peu. D'autant qu'il y a dans la Provence française quelque chose de minéral, très proche de notre pays à plein d'endroits, climat, paysages, tchatche ! La pièce se passe en 1961, juste avant l'indépendance. Derrière l'insouciance du twist et du rock, les évènements d'Algérie dardent déjà très fort et font craquer ce vernis un peu aquarelle du début de la pièce. -Qui est donc Mimi, formidablement interprétée par une formidable Rayhana ? Mimi tient un bistro guinguette, Chez Mimi, dont le bal du samedi soir est la principale activité. Mimi est un personnage provençal haut en couleurs, c'est la mascotte du village, tout le monde la respecte, elle est imbattable sur la culture provençale, cuisine, proverbes, chansons. Vers le milieu de la pièce, on s'aperçoit que c'est une Algérienne qui a émigré dans les années 1940. C'est l'histoire d'une intégration absolue, même si elle n'oublie pas ses racines. Et Rayhana la fait vivre de manière lumineuse. -Ricky Norton, le personnage masculin de la pièce, est-il le pendant de Massinissa de L'Etoile d'Alger ? En effet, Ricky Norton est un chanteur très doué qui rêve de gloire, il rêve de quitter la Provence pour d'autres horizons plus cléments. C'est un peu le Moussa Massy de Provence. -D'où puisez-vous vos sujets ? Avez-vous décidé de délaisser le roman pour le théâtre ? Je puise mes sujets dans mon vécu, dans l'actualité aussi. Depuis quelques années, je suis très sollicité par le théâtre de France, sous forme souvent de commandes d'écriture, j'ai donc produit beaucoup de pièces. Depuis Arobase, je n'ai pas écrit de roman, c'est vrai, mais l'expérience dramatique enrichit mon écriture et j'ai hâte de voir dans quelle mesure cela influera sur mon travail de romancier. -Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Je viens de finir une pièce de commande, La Pomme et le Couteau, qui passera sur France Culture le 16 octobre à 21h. Ce texte parle des évènements du 17 octobre 1961. Je suis aussi sur un roman qui traitera de la double identité. Les Printemps arabes m'ont bouleversé et j'ai bien envie d'écrire quelque chose à ce sujet qui traiterait non pas des effets mais plutôt des causes qui sont enfouies en amont, dans notre histoire commune. Je souhaite à l'Algérie le plus beau des printemps, le plus fleuri, et si possible le plus pacifique, car nous le méritons plus que tout.