A l'Unique, c'est le statu quo. L'immobilisme total. A croire qu'il y a d'un côté un pays avec ses téléspectateurs, et de l'autre une boîte à images qui s'adresse à une population virtuelle. Alors que la société algérienne s'impatiente de voir (et de vivre à l'écran) les changements annoncés par le président de la République à travers la série des réformes devant toucher pratiquement tous les domaines de la vie publique, dont celles consacrées à la politique, à l'information ou à la culture ne sont pas des moindres, la Télévision nationale continue, en effet, imperturbable, de fonctionner avec les mêmes réflexes et livrer des programmes dont le contenu, notamment celui qui est censé transcrire une actualité sociopolitique par trop confuse, ne correspond ni à la réalité que vivent au quotidien les Algériens encore moins aux grands défis d'ouverture augurant théoriquement une perspective autre pour le pays. Même la décision prise lors du dernier Conseil des ministres, visant la libéralisation du champ audiovisuel, ne semble avoir eu aucun impact direct sur le comportement immédiat de la chaîne de Télévision nationale qui visiblement se complaît dans son neutralisme destructeur et, bien évidemment…, sa médiocrité comme pour nous dire qu'elle n'est concernée ni de près ni de loin par les bouleversements qui pointent à l'horizon. L'Unique aura-t-elle donc un avenir dans le prochain paysage médiatique télévisuel qui prendra forcément une autre tournure avec la venue des chaînes privées ? La question mérite assurément d'être posée dès à présent face à l'inertie chronique qui caractérise l'esprit des décideurs du boulevard des Martyrs et qui rend la télé d'Etat encore plus méprisable vis-à-vis du citoyen, au moment où celui-ci attend d'elle un sursaut d'orgueil pour lui montrer qu'elle sait elle aussi saisir les opportunités pour s'impliquer dans les batailles historiques. Peine perdue, et si seulement il s'agissait d'inertie… sommes-nous tentés de préciser. Car, entre les grandes manœuvres, pour le moment souterraines, qui finiront bien par apporter les chamboulements positifs attendus par le public en faveur d'une société qui n'en peut plus de subir le diktat d'un système devenu complètement obsolète, et les atermoiements d'un Pouvoir qui ne sait plus où donner de la tête pour tenir encore le gouvernail d'un navire qui chavire dangereusement, le décalage temporel que vit notre télé est tout simplement effarant et devient par conséquent très préjudiciable pour la propagation des idées nouvelles qui militent pour l'instauration d'un ordre plus démocratique. En maintenant vaille que vaille son rôle d'interface pour la perpétuation systématique d'un discours officiel qui n'a d'autre alternative que de tourner le dos à la transparence pour survivre, d'aucuns iront plus loin pour dire que l'Unique, non contente de nous anesthésier avec sa politique du tout va bien à l'heure où précisément tout va très mal dans le pays, contribue malgré elle, et à sa manière, à mettre des grains de sable dans le train des réformes qui sont déjà mises sous le coude par le Pouvoir. Ne pas informer objectivement les Algériens sur les événements qui les concernent, ne formuler aucune critique aux dirigeants, écarter toute voix citoyenne qui veut dénoncer les dérives flagrantes, comme la corruption ou l'incompétence, c'est empêcher la société d'avancer. C'est une attitude peu glorieuse de la part d'un média qui se targue d'être à la pointe du progrès, mais qui refuse de voir la réalité en face. Un de nos lecteurs ne s'y est pas trompé en écrivant : «L'exclusion manifeste de la société civile et politique d'opinions diverses ainsi que l'absence de débats contradictoires à travers le petit écran, pour engager des réflexions autour des problèmes de l'heure et en particulier des réformes, dénotent clairement les arrière-pensées du pouvoir politique et de ses dévoués à l'ENTV à ne pas œuvrer dans la transparence.» Les téléspectateurs ne sont donc pas dupes. Ils savent que leur télé est moribonde. Ils savent aussi qu'à force d'être trop assujettie au Pouvoir, elle finira un jour par perdre son âme. Comme celle qui la met au pied du mur à chaque anniversaire du 8 Octobre 1988, une date chère aux Algériens. L'Unique n'a jamais célébré cette date qui a pourtant marqué un tournant décisif dans la transformation de la société puisqu'elle a apporté le multipartisme et la liberté d'expression. Le vent de la liberté, hélas, n'a pas touché le petit écran qui a été vite maîtrisé par le système avant de devenir son porte-parole le plus précieux. Il n'est pas de notre intention de faire un jugement de valeur sur la Télévision nationale, mais en ces temps de réformes qui induisent tous les secteurs d'activité, on s'étonne que la notion du changement reste encore un sujet tabou à l'intérieur de ce média. Pourtant, avec un peu de volonté et de discernement, on peut briser les préjugés les plus tenaces.