L'APN, en fin de règne, semble découvrir les dangers pour la démocratie de la connivence entre le pouvoir de l'argent et la politique. Cette inquiétude de voir les suffrages et la volonté populaire détournés au profit d'intérêts de castes et de groupes a fortement marqué le débat parlementaire sur le régime électoral. Signe des temps : désormais, même les grandes formations politiques – ou se réclamant comme telles, à l'instar du FLN – ne s'empêchent pas de dénoncer ce système qui fait du corps électoral, des partis et des candidats une marchandise qui s'achète et se vend au gré de la mercuriale des promesses électorales. Et des instances élues des institutions entre les mains des lobbies. Le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, qui dirige un parti connu pour avoir toujours tiré sa puissance de ses riches et généreux donateurs, ne rechignant jamais à mettre la main à la poche pour renflouer les caisses du parti, avait surpris lorsqu'il avait reconnu, pour la première fois, publiquement, dans une de ses récentes déclarations, que les voix des électeurs se négociaient comme une vulgaire marchandise. A un point tel que les candidats, pour financer leurs campagnes électorales ou tout simplement pour amasser de l'argent – car les élections sont devenues pour certains un simple business – poussent l'outrecuidance jusqu'à faire des promesses électorales des plus farfelues pour racoler les électeurs, mais surtout les donateurs. Au plan légal, le financement des partis et des campagnes électorales est pourtant régi par des textes de loi clairs, censés introduire une certaine transparence dans les comptes des campagnes électorales des partis et des candidats indépendants. Le laxisme de l'Etat a fait que cette disposition n'a jamais été appliquée. On n'a pas encore vu les partis engagés dans la course électorale se précipiter pour rendre public l'état de leurs comptes de campagne ni l'administration les rappeler avec fermeté au respect de leurs obligations en leur faisant appliquer rigoureusement la loi en la matière. Le seul remède démocratique à ce mal séculaire de l'Algérie, c'est d'assurer une plus grande présence de l'Etat dans la mise en œuvre du processus électoral dans ses différentes phases. Une mission qui passe par une plus grande équité dans l'octroi des subventions de campagne, sur la base de critères objectifs et transparents. C'est le seul moyen d'arracher les urnes des griffes des affairistes de tout poil. Mais il n'y a pas que l'argent qui représente une menace pour des élections libres et démocratiques. Le tribalisme est un autre fléau autrement plus nuisible qui confisque les voix des électeurs. Un chef de bureau de vote d'une wilaya de l'intérieur du pays nous racontait qu'il pouvait savoir, au bulletin près, avant même le dépouillement, les résultats dans sa circonscription électorale. C'est cela, la réalité de la sociologie électorale dans notre pays : l'argent, le vote tribal, le clientélisme, le régionalisme, l'utilisation abusive des constantes de la Révolution et de l'Islam guident les choix électoraux plus que les programmes proposés par les uns et les autres. La loi, seule, ne suffit pas pour favoriser le vote citoyen. Il faut promouvoir, à côté, une culture politique permettant à la société de se débarrasser de tous les archaïsmes, du passé et du présent, qui entravent la marche du pays vers la démocratie et la modernité.