Territoire Perdu, un documentaire belge réalisé par Pierre-Yves Vandeweerd, en compétition au 26e Festival international des films francophones de Namur, est un voyage au bout de l'enfer du peuple sahraoui. Namur (Belgique) De notre envoyé spécial Pierre-Yves Vandeweerd, jeune cinéaste liégeois, né en 1969, peut aujourd'hui passer pour l'un des ultimes dépositaires de la vérité, de la réalité, de la vie du peuple sahraoui, dont le pays est soumis à la répression féroce du royaume marocain. Son film Territoire Perdu est en effet un témoignage très fort sur la tragédie du Sahara-Occidental. Et on a toutes les raisons de se réjouir de ce travail documentaire sérieux et fait d'une manière très brillante. La communauté internationale semble avoir oublié le peuple sahraoui et son combat. Washington donne des signes de connivence avec Rabat. Un diplomate a fait pour l'ONU des allers-retours sans grand résultat. Beaucoup de pays occidentaux, qui n'ont pas une politique étrangère indépendante, suivent ce que leur dit le Département d'Etat américain. Et pendant toutes ces années, le peuple sahraoui attend sous les tentes, dans les sables et les vents. Les images, les voix des témoignages qui émanent de Territoire Perdu attestent que le Maroc applique le stade suprême de l'horreur à tout un peuple. Sous les bombardements de l'aviation marocaine, il n'y a pas de refuge possible. Tout, absolument tout, est anéanti, déchiqueté : hommes, femmes, enfants, troupeaux, tentes, arbres. Le roi du Maroc cherche à effacer toute trace du peuple sahraoui. La grande muraille... La communauté internationale ferme les yeux. Territoire Perdu recueille aussi les témoignages sur les soulèvements populaires durement réprimés dans les villes sahariennes occupées par l'ennemi. Des jeunes filles sahraouies décrivent leur séjour dans les caves des postes de police marocains où elles y sont violées parce qu'elles refusent de collaborer. Le film explique clairement au public belge ce long conflit et de quoi il s'agit. Traversé par un mur de 2400 km construit par l'armée marocaine et gardé par des milliers de soldats en alerte, le Sahara-Occidental est découpé en deux parties : une partie est libérée par le Front de libération du Sahara-Occidental, (Polisario), l'autre est envahie par le Maroc. La caméra glisse à partir des camps de réfugiés de Tindouf, en Algérie, et s'approche progressivement du mur de la honte. Pendant ce long parcours, résonnent les récits, les voix d'hommes et de femmes sahraouis qui disent leur enfermement, leur désespoir mais aussi leur rêve de leur pays libéré. Les images sont souvent en noir et blanc. Les paysages du désert sont chargés d'une poésie tragique, poignante. Combien sont-ils réfugiés à Tindouf ? 150 000 peut-être 200 000. Sans parti pris C'est une attente interminable, une usure qui dure depuis des décennies. Territoire Perdu n'est pas un film de propagande, il ne glorifie aucun dirigeant actuel du Polisario, il montre le peuple sahraoui qui ne croit pas du tout «aux lendemains qui chantent» et aux promesses qu'on lui fait depuis si longtemps. Le cinéma belge s'honore de ce genre de film précieux, essentiel. Et le festival de Namur apporte sa caution très précieuse aussi à ce film original, âpre, lyrique, riche en informations sur la tragédie du peuple sahraoui, accueilli avec chaleur par le public de cette belle cité au bord de la Meuse.
Territoire Perdu (Lost Land) Réalisation : Pierre-Yves Vandeweerd Production : Cobra films (Belgique), Arte, Centre bruxellois de l'audiovisuel 2011, 75 minutes.