Le chef de l'Etat afghan a vraiment le sens de la formule, lui qui cherche absolument à repousser les assauts des talibans toujours déterminés, quant à eux, à s'emparer du pouvoir dès le départ, en 2014, de la coalition internationale. Menée par les Etats-Unis, celle-ci a bouclé hier les dix années de son engagement, mais tout porte à croire que tout sera à refaire. Les talibans, chassés du pouvoir en 2001, ont reconstitué leurs forces jusqu'à occuper l'essentiel du terrain, et nul, à vrai dire, ne peut prévoir comment et dans quelles conditions s'effectuera le départ de la coalition internationale. Des spécialistes vont même jusqu'à considérer que l'engagement des talibans pourrait entraîner un autre enlisement de la situation. Dans le même temps, la violence n'a jamais été aussi forte que ces derniers mois. L'évaluation vient d'être faite par l'ONU. Maintenant qu'en est-il de l'avenir du pouvoir actuel afghan ? La question se pose avec insistance, et le chef de l'Etat afghan est allé, cette semaine, chercher des réponses hors des cercles conventionnels, quitte à bousculer certaines convenances et remettre en cause des alliances. C'est en Inde que Hamid Karzai a défini la nouvelle stratégie. Très vite, il a tenté de calmer certaines appréhensions, du genre, l'ennemi de mon ennemi est mon ami. Il vise, bien entendu, la relation Inde-Pakistan. Pas question d'y mettre le doigt, même s'il y a beaucoup à dire sur les rapports entre son pays et le Pakistan, très mal noté par les Etats-Unis, ce qui a valeur de sentence et un appui même implicite au rapprochement avec l'Inde. De ce point de vue, les Etats-Unis ont précédé Kaboul avec leur alliance nucléaire conclue sous la présidence de George Bush. Sans prétendre faire jeu égal, le chef de l'Etat afghan a tenu, à New Delhi même, à mettre les points sur les i en déclarant que «le Pakistan est un frère jumeau, l'Inde un grand ami». Et de préciser que «l'accord signé avec notre ami n'affectera pas notre frère». Hamid Karzai n'a pas uniquement parlé de frère, mais de frère jumeau. Ni grand ni petit, la précision n'est pas de trop. Elle renvoie à l'égalité entre les deux voisins sans que l'un d'entre eux puisse se prévaloir d'une quelconque supériorité. La précision étant apportée, l'accord en question, premier du genre signé par l'Afghanistan, vise à approfondir la coopération en matière de sécurité, les liens commerciaux et économiques ainsi que les échanges sociaux et culturels. Mais le rôle de l'Inde en Afghanistan est mal vu, voire inacceptable pour le Pakistan, hostile à une hausse de l'influence de son voisin rival en Afghanistan, mais lui-même accusé de jouer un «double jeu» en finançant des groupes militants ayant perpétré des attaques en Afghanistan. «L'Inde se tiendra au côté du peuple afghan qui se prépare à assumer la responsabilité de sa gouvernance et de sa sécurité après le retrait des forces internationales en 2014», a déclaré le Premier ministre Manmohan Singh. Il reste qu'au plan géostratégique, ce partenariat scelle, selon les analystes locaux, «une implication de l'Inde en Afghanistan». C'est certainement la phase supérieure sinon ultime de cette alliance qui s'est déroulée cette semaine. Que sera alors l'avenir de l'Afghanistan que l'on dit déjà incertain en raison au moins de l'état d'impréparation des nouvelles forces afghanes,alors même que le compte à rebours est enclenché. 2014, c'est bientôt, mais d'une manière générale, il semble que rien ne soit laissé au hasard. L'inverse serait catastrophique pour l'ensemble de la région.