L'Egypte a connu encore une fois, dimanche, une montée des tensions confessionnelles, alimentées notamment par des querelles de voisinage et des différends sur la construction d'églises. Mais à l'inverse des autres fois, les affrontements entre Coptes et forces de l'ordre, qui ont fait 25 morts au Caire, ont relancé hier les craintes de voir ces tensions religieuses contrarier la transition politique que s'apprête à négocier l'Egypte. L'armée, aux commandes du pays, a demandé au gouvernement, sur lequel elle a autorité, de «former rapidement une commission d'enquête» pour déterminer les responsabilités des événements survenus dimanche soir. Le Conseil suprême des forces armées (CSFA) a dénoncé, à l'issue d'une réunion de crise, «les efforts de certains pour détruire les piliers de l'Etat et semer le chaos». Des versions confuses ont continué de circuler sur ces affrontements imputés tour à tour aux manifestants coptes – qui constituent la majorité des personnes décédées – aux militaires et aux forces de l'ordre sur place ou encore aux provocations de «voyous». Le patriarche copte orthodoxe, Chénouda III, a mis ces affrontements, les plus meurtriers en Egypte depuis la chute de Hosni Moubarak en février, sur le compte «d'inconnus infiltrés» et dénoncé le fait que l'on puisse les imputer aux manifestants chrétiens. Un nouveau bilan diffusé hier après-midi par la télévision d'Etat faisait état de 25 morts et 329 blessés. Le gouvernement du Premier ministre Essam Charaf, qui a estimé dans la nuit que le pays était «en danger», s'est également réuni en urgence en début d'après-midi. Au moins 40 personnes ont été arrêtées et 25 étaient en cours d'interrogatoire par les services du procureur militaire. Les autorités ont annoncé par ailleurs la pendaison, hier, d'un homme condamné pour le meurtre de 6 Coptes à la sortie d'une église, en janvier 2010 en Haute Egypte, une information rare dans un pays où les dates des exécutions ne sont pas révélées. Les violences de dimanche ont eu lieu en marge d'une manifestation de Coptes protestant contre l'incendie d'une église dans le gouvernorat d'Assouan (sud). Un couvre-feu a ensuite été décrété dans plusieurs quartiers du centre de la capitale de minuit à 5h GMT pour tenter de rétablir le calme. Dans la nuit, le Premier ministre avait appelé chrétiens et musulmans «à la retenue» et à ne pas céder aux «appels à la sédition». Il avait en outre estimé qu'il s'agissait d'«un complot pour éloigner l'Egypte des élections». Les premières législatives depuis le départ de M. Moubarak doivent se tenir à partir du 28 novembre, mais leurs modalités font l'objet de désaccords et beaucoup redoutent qu'elles ne soient marquées par des violences.