Une soirée de retrouvailles, empreinte de connivence amicale, de fraternité, mais aussi de grande émotion que celle organisée vendredi soir par le Consulat général de Paris dans les Salons Vianney en signe de reconnaissance du peuple algérien aux amis français des épreuves et des durs moments de l'Algérie en lutte pour son indépendance : avocats, appelés ayant refusé de rejoindre l'armée comme Alban Liechti (premier appelé à s'être insurgé) et membres des réseaux Curiel et Jeanson. Il y avait ceux qui ne se sont pas vu depuis plusieurs années, ceux qui n'ont pas coupé le contact. A leurs côtés, des militants du FLN, d'anciens condamnés à mort. Une mission confiée par le président Boutelika au consul général de Paris, Meziane Chérif, a indiqué le représentant de l'Etat algérien : 37 médailles décernées. Des moments forts comme celui d'anciens condamnés retrouvant leurs avocats. Hélène Cuénat, l'une des évadées de la Roquette, les larmes aux yeux, revient rejoint le groupe que nous formions à la même table et dit : « C'est la première fois que je tutoie Roland Dumas. » (il a été son avocat). Roland Dumas, que les « porteurs d'espoir » qu'il avait défendus (porteurs de valises), selon les termes de Jacques Charby, récemment disparu, appelaient Duduche, dira : « C'est un vrai réconfort de se retrouver entre Français et Algériens qui ont posé la première pierre de cette Algérie nouvelle. Nous avons su reconstituer une communauté de fraternité. » Hélène Cuénat ajoute : « Cette soirée me rappelle août 1962 à Alger quand je suis rentrée du Maroc. Il y a de la communication et de la communion. » La communication y était effectivement, des groupes se formaient et se déformaient entre les tables du dîner, les uns et les autres se levant pour aller saluer un ami. Et souvent ce commentaire : « Elle (ou il) n'a pas changé. A part les cheveux gris. » Et puis des fous rires, des échanges de piques d'humour. De l'émotion comme lorsque Djouher Akrour, ancienne condamnée à mort, décorait l'avocate Claudine Nahori. Les disparus, anciens ou récents comme Mourad Oussedik, Marcel, Péju et Jacques Charby, n'étaient pas oubliés. Trois générations se côtoyaient : acteurs directs, leurs enfants et petits-enfants. Jacques Vergès, sa fille et sa petite-fille, Paule Bollo et son petit-fils. Des disparus représentés par leurs enfants ou petits-enfants. Trente sept médailles de reconnaissance de l'Algérie à ses amis français ont été remises. Celles de Denise et Robert Barrat ont été reçues par leurs enfants Patrice et Claire, de Serge Michel par son petit-fils Aurélien. Patrice Barrat montre une photo de ses parents, puis lit un extrait d'une lettre du 20 janvier 1956 de son père, Robert, à Guy Mollet. « Le sort de l'Algérie va se jouer dans les deux mois qui viennent », écrivait Robert Barrat au président du Conseil. Un autre extrait de la préface de Denise Barrat pour un livre inédit, le 8 septembre 1993, à l'adresse des jeunes algériens et français pour la connaissances de pages de leur passé. La médaille décernée à son mari Roger, Annie Rey (historienne, auteure d'un ouvrage de référence sur les origines de la Guerre de Libération nationale) la dédie à Mohamed Boudiaf dont son mari et elle étaient des amis très proches de la première heure. Serge Michel, enterré il y a 10 ans à El Alia après des obsèques nationales, rappelle sa fille,, qui s'est dite doublement heureuse qu'à travers cette cérémonie sa mémoire n'est pas gommée, heureuse que ses petits-enfants recueillent cette mémoire, lui qui s'est porté aux côtés des Algériens, avant le 1er Novembre 1954, qui est devenu Algérien, qui a formé les premiers journalistes de l'Algérie indépendante et qui a créé Alger ce soir. Michel Rogalski, le benjamin, voulait, à 15 ans, rejoindre les réseaux français de soutien à la guerre de libération de l'Algérie, ce qu'il fit à 16 ans, en 1961.