Sa devise? «Le monde appartient à ceux qui savent le rêver.» C'est de là que notre réalisateur, du haut de ses 33 ans, parvient à dessiner les contours de son beau parcours cinématographique. Il est le récipiendaire du Prix du jury cinéma et jeunesse de la section Pardi Di Domani (Léopard de demain) au 63e Festival du film de Locarno qui s'est tenu du 04 au 14 août. Unique représentant du continent africain à avoir participé à ce festival, le court métrage Khouya est le second volet d'une trilogie portant sur la condition féminine en Algérie. Au compteur, de nombreux courts métrages, c'est avec le sourire que notre talentueux réalisateur nous confie ses projets et aspirations... L'Expression: Yanis Koussim vous revenez du Festival de Locarno où vous avez reçu un prix, pourriez-vous nous parler d'abord de ce festival. Yanis Koussim: C'était très bien. Locarno c'est déjà la Méditerranée en plein milieu des Alpes. C'est au bord du lac Majeur, entouré de palmiers. Climat superbe, ville magnifique. C'est la Suisse! C'est un festival très important car des cinéastes comme Spike Lee, notamment y ont présenté leur film et en même temps c'est un festival beaucoup plus intime comparé à d'autres comme Cannes par exemple. Les gens sont plus accessibles. J'ai eu la chance de rencontrer et de discuter avec des réalisateurs et des comédiens que j'admire énormément, chose que l'on ne peut pas faire dans d'autres festivals. A Locarno, il y a beaucoup de films italiens, des hommages et tu as cette grande place, la Piatza Grande, où il y a le plus grand écran en extérieurs au monde. Une place qui peut contenir 3000 places. C'est là où on donne le prix du public dont la sélection relève de la compétition internationale. Tout ceci pour vous dire que le public est très important. C'est vraiment un festival ouvert au public. Contrairement à d'autres festivals, tu rencontres vraiment ton public. La projection de mon film s'est faite dans une salle où il y a à peu près 1000 places et pendant tout le reste du festival où j'étais à Locarno, des gens, pas du tout des professionnels du cinéma, sont venus voir le film et m'ont accosté dans la rue.. Un mot justement sur l'écho de votre film à Locarno, qui porte sur la violence faite aux femmes. Le film a été vu et apprécié. Beaucoup de personnes sont venues m'en parler. En sortant de la salle une personne est venue me dire: «Enfin un film qui ne s'occupe pas seulement de la forme, mais aussi du fond!» Cela m'a fait réellement plaisir. C'est le meilleur compliment que j'ai eu. Car j'ai toujours voulu que la forme que je donnerai à mes films soit cohérente avec le sujet. C'est cela que cette personne a perçu et j'en suis content. Votre film répond-il à un choix de trilogie ou est-ce un réel engagement vis-à-vis de la condition de la femme en Algérie? Ce sont plusieurs éléments qui rentrent en compte. Sincèrement, quand j'ai fait Khti je ne pensais pas nécessairement faire une trilogie. C'est venu en écrivant Khouya. En général, je ne choisis pas le sujet, ce dernier s'impose à moi. Après, il y a de grands sujets de famille qui vont m'intéresser plus que d'autres. En général, il y a un élément déclencheur qui fait en sorte que j'écrive un scénario ou je pense à un scénario. Pour revenir à la situation de la femme qui fait l'objet de cette trilogie, je pense qu'il faut être complètement aveugle et sourd pour ne pas être interpellé par ce que vit une partie des femmes en Algérie. Pas toutes heureusement! Que ce soit pour Khti qui parle de l'enfermement moral ou Khouya qui est l'enfermement physique par la violence, il faut regarder la vérité en face. Comme dit l'adage: «Il n'est pire sourd que celui qui ne veut pas entendre». C'est exactement cela. Je voulais que ce film soit une espèce de claque pour que les gens prennent conscience de ce qui se passe dans un intérieur où règne la violence. On est dans un huis clos, jamais à l'extérieur. On est, du point de vue, des victimes, autrement dit les soeurs et on est tout le temps avec elles. Tout passe à travers leur regard. Elles sont trois, chacune a une personnalité différente de l'autre, mais elles forment une sorte d'entité qu'on veut brimer et écraser et qui va à un moment donné se révolter. Alors quelle sera la prochaine étape de cette trilogie d'autant plus qu'on croit savoir que vous êtes sur un documentaire? Je me suis laissé prendre à mon propre piège. Comme ce n'était pas une trilogie pensée en amont à l'écriture de Khti, je me laisse donc la liberté de trouver le troisième volet qui sera probablement un documentaire, ce sera aussi peut-être mon premier film de fiction car c'est aussi dans la continuité thématique des deux courts métrages mais également un documentaire dans la même veine. Ce sera donc soit Bahara, un long métrage de fiction qui retrace le quotidien d'une femme marin-pêcheur et sa relation avec sa fille ou bien un documentaire qui s'appelle Les Femmes sur le toit et non les femmes sur la terrasse comme je l'ai lu un peu dan la presse. C'est un documentaire sur les femmes de ma famille. Je commence par une photographie qui a été prise sur le toit de la maison de mes arrière-grands-parents où l'on distingue neuf femmes de ma famille. Et c'est à partir de là que je vais explorer l'histoire de ces femmes-là, de ma famille. Des années 1950, la période où a été prise cette photo jusqu'à nos jours. Et qu'en est-il du documentaire Mon père est une légende? Je commence le montage fin septembre normalement, aux dernières nouvelles, d'après ma production qui est la boîte HKE que dirige Meriem Hamidet qui avait réalisé le documentaire sur le 8 Mai 1945. Elle a ouvert une boîte de production à Sétif. On est un peu la «Sétif connexion». Car il y a elle et Fouad Trifi qui est également de Sétif. Il a été premier assistant réalisateur sur mon court métrage. J'espère qu'il continuera à travailler avec moi, non seulement en tant que premier assistant, mais dans d'autres fonctions. Pour revenir à Sétif, en plus du soutien du Fdatic, de l'Onda et de l'Aarc, mon court métrage a reçu le soutien de la wilaya de Sétif qui a déjà soutenu cinématographiquement parlant le film Mon Colonel produit par Costa Gavras, ici à Sétif. Celle-ci n'a pas cessé d'aider les projets cinématographiques qui viennent se tourner sur les terres de sa wilaya, dont mon film. C'est très important à souligner. Et cela existe partout dans le monde que des régions supportent des projets culturels de leur circonscription, cela peut apporter de l'argent. Car les productions dépensent de l'argent sur place. Une équipe de 60 personnes a besoin de manger. Il faut qu'on lave son linge. On a besoin de décors, de menuisiers, donc de main-d'oeuvre, des costumes donc on achète des tissus. C'est une microéconomie qui va se créer pendant le tournage qui ne peut être que bénéfique pour une région. Et plus une région aide le cinéma et plus elle attire les tournages, et plus l'économie dans ce domaine-là est vivifiée. Que pensez-vous du projet de loi concernant le cinéma sur lequel le Parlement a statué? Si l'Etat algérien aide le cinéma c'est super, après il faudrait que ce soit institutionnalisé, que cela soit un vrai soutien de l'Etat mais qui ne se substituerait pas au travail du producteur, ce que l'Etat ne veut pas, j'en suis persuadé. Au lieu de se rouler les pouces et engranger l'argent du contribuable, le producteur devra, de son côté, aller chercher des fonds ailleurs. L'Etat c'est bien, même extra, mais le métier de producteur c'est autre chose. Il ne faut pas que ça rende ce dernier paresseux. Peut-on dire que Yanis Koussim est plutôt satisfait de son parcours, qu'il est sur la bonne voie surtout après ce prix? A-t-il enfin trouvé sa place en tant que cinéaste à part entière en Algérie? Ce n'est pas du tout de la fausse modestie, mais je suis encore très loin d'avoir atteint le niveau que j'ai vu ailleurs. Le niveau artistique peut-être que oui, car ceci est subjectif mais, s'agissant du niveau professionnel, on est encore très loin. On dit que le cinéma algérien est en train de renaître. Depuis quelque temps, il n'arête pas de renaître, il faudrait qu'il naisse maintenant et qu'il grandisse! A côté des milliers de courts métrages qui se font dans d'autre pays, nous à côté, c'est rien du tout. On en parle, c'est bien, c'est un retour au cinéma. Mais on ne va pas dormir sur nos lauriers. Moi, si je fais des courts métrages, je l'ai toujours dit c'est pour faire des longs métrages. Après, pourquoi ne pas revenir vers le court métrage. On a tous, avec des amis réalisateurs, l'envie de se réunir à six ou sept et faire chacun un court métrage dont l'ensemble constituerait un long métrage comme on en a vu avec Paris je t'aime ou encore les courts métrages du Panaf. J'atteindrai une certaine satisfaction, quand je verrai mon long métrage à l'affiche et pas qu'en Algérie.