Que reste-t-il du 1er Novembre chez les Algériens ? Pour les plus de cinquante ans, une pointe de nostalgie mêlée de ce qui reste du patriotisme, après des décennies d'autoritarisme et de promesses non tenues, d'espoirs déçus par des dirigeants si éloignés du peuple pourtant consacré comme seul héros, une idéologie officielle populiste au lendemain de l'indépendance. Pour les autres, cette date historique, marqueur principal dans le processus d'émancipation du joug colonial, ne suscite depuis longtemps qu'indifférence ou, dans le meilleur des cas, peu de choses… Indifférence provoquée par une banalisation voulue de cet événement historique majeur qui est, avant tout, une rupture dans la prise de conscience collective d'un peuple aspirant à la liberté et la souveraineté, à l'instar des autres peuples. Une banalisation qui a fini par faire du 1er Novembre un jour comme les autres, un jour férié sans plus, réduit par les volontés des dirigeants actuels à une commémoration protocolaire qui fait la une – et pas seulement la une – des journaux télévisés auxquels les Algériens, contrairement à il y a une quarantaine d'années, peuvent échapper en zappant l'ENTV ! La seule différence pour les Algérois, cette année, est qu'ils ont pu enfin prendre le métro pour se rendre de Haï El Badr à la Grande-Poste, soit un peu plus de 9 km sous terre en dix minutes à peine. Un «record» en matière de transport public, qui ne parvient pas à faire oublier celui des délais de sa réalisation ou de son coût de plus de 100 milliards de dinars… Mais cela ne suffit pas à échapper pour autant à la banalisation du 1er Novembre, tant ce qu'il a incarné depuis 1954 jusqu'à l'indépendance, à savoir cette communion entre le peuple et ses élites autour du recouvrement de la souveraineté nationale, a fini par être galvaudé au lendemain du 5 Juillet 1962. Les intérêts privés ont vite pris le dessus sur ceux de la collectivité lorsqu'il s'est agi d'édifier un Etat, une économie nationale… Corruption, prévarication finiront par engendrer chômage et précarité pour beaucoup avec, en toile de fond, un désintérêt, voire une méfiance à l'égard de tout ce qui peut incarner le moindre patriotisme, face à cette farouche volonté de récupération de la part d'un pouvoir politique isolé, autiste et complètement fermé aux attentes de ses gouvernés. C'est sans doute à juste titre que certains revendiquent aujourd'hui de ranger le sigle Front de libération nationale, associé au 1er Novembre 1954, au musée de la Révolution. Mais en tout état de cause, avec ou sans le sigle FLN, force est donc de constater que leurs dirigeants successifs auront réussi à faire oublier aux Algériens jusqu'à la signification du 1er Novembre.