Les redresseurs du « mouvement de redressement du FLN » ont saisi lundi le président de la République sur la crise qui agite ce parti pour lui demander d'intervenir dans le conflit qui oppose les deux tendances réunies il n'y a pas si longtemps encore sous la même bannière dans leur combat contre l'aile du FLN des pro-Benflis. Le recours à l'arbitrage du président de la République est motivé, selon les auteurs de la missive adressée à M. Bouteflika, par leur souci d'éviter des affrontements entre les militants des deux camps si le mouvement de redressement emmené par M. Belkhadem vient à maintenir le cap sur la préparation du congrès rassembleur dans les conditions arrêtées, avec notamment la mise en place des commissions de wilaya autour desquelles se cristallise la crise. Il n'y a sans nul doute rien de répréhensible ni d'immoral à ce que de simples citoyens ou des groupes sociaux et politiques organisés s'en remettent au premier responsable du pays pour lui demander d'user de son autorité et de ses prérogatives en vue de dénouer un conflit. C'est dans la logique même du fonctionnement des institutions de la République qui consacre le président de la République dans son rôle de garant de la stabilité du pays. Mais là où il y a maldonne, c'est que les dissidents du mouvement de redressement qui ont décidé de saisir le président de la République ont agi moins pour exprimer une revendication strictement citoyenne comme le ferait n'importe quel algérien qui s'adresserait à son Président que par esprit militant étroit. La démarche des frondeurs du mouvement de redressement, qui ont décidé de prendre leur autonomie par rapport à la direction de ce dernier, trahit en effet un sentiment corporatiste et partisan détestable. Dans l'esprit des auteurs de la lettre ouverte au Président, on donne à l'initiative presque un caractère interne au parti, on en fait une question organique. Des militants du Fln saisissent le président de la République, lui-même membre de la même politique, pour arbitrer un conflit inter-Fln. C'est la seule lecture au premier comme au dernier degré qui se dégage de cette sortie des dissidents du Fln. L'amalgame entretenu par ce groupe, à travers son initiative auprès du président de la République, entre les affaires de l'Etat et la volonté populaire incarnée par le président de la République, qui est le Président de tous les Algériens, et la sphère privée, politique et partisane ne sert pas forcément le président Bouteflika que l'on cherche à entraîner dans une querelle partisane dans laquelle, de par sa fonction, il n'a rien à y voir. Les retombées de la guerre ayant opposé à la veille de l'élection présidentielle les deux tendances du FLN, le mouvement de redressement et les pro-Benflis, n'ont pas été totalement digérées que le nom du président Bouteflika est une nouvelle fois mêlé à des joutes partisanes desquelles ses fonctions devraient logiquement le tenir éloigné. Ces pratiques qui sont aussi vieilles que le FLN renseignent en fait sur la culture de l'ancien parti unique qui a toujours confondu et continue de confondre encore jusqu'à aujourd'hui le parti et l'Etat. Il se considère toujours comme le parti-Etat fondant sa légitimité sur le pouvoir exercé par le président de la République qui se trouve être un militant de ce même parti. Le Fln dans ses différentes tendances qui se sont succédé à la tête du parti n'a en effet jamais désespéré pour se réapproprier le pouvoir empruntant des voies autres que les urnes, s'abritant confortablement sous le parapluie de l'Exécutif et des autres centres de décision pour se faire coopter pour pouvoir renvoyer à son tour l'ascenseur à qui de droit. Décidément, pour ce parti, l'histoire n'est qu'un éternel recommencement. Le changement dans la continuité : cette devise qui était chantée sur tous les tons et tous les modes au temps de l'âge d'or du FLn apparaît plus que jamais d'actualité dans la culture politique de ce parti.