Quelle meilleure reconnaissance pour un élève à son maître que celle d'organiser en son honneur une soirée hommage, à la fois émouvante et réussie à l'occasion de son 85e anniversaire. Ils étaient tous là, ses amis, ses anciens élèves et beaucoup de mélomanes anonymes à avoir assisté, jeudi soir dernier, au niveau de l'auditorium Aïssa Messaoudi de la Radio nationale, à l'hommage magistral dédié à l'une des figures de proue de la musique algérienne, Sid-Ahmed Serri. L'initiateur de cette ingénieuse rencontre n'est autre que l'un de ses anciens dévoués élèves, Youcef Ouznadji, président de l'association andalouse Anadil El Djazaïr (Les rossignols d'Alger). Ce dernier nous a confié en aparté que cet hommage n'est qu'une goutte dans l'océan. «Mon maître m'a beaucoup donné. Je ne pourrai jamais lui rendre ce qu'il m'a donné», dit-il d'une voix étouffée par l'émotion. Le credo de cette association, qui compte à son actif une centaine d'élèves, est la fidélité aux bases fondamentales de la sanâa. Les nombreux convives sont accueillis par des hôtesses — habillées de caracos traditionnels, distribuant le programme de la soirée et un document vidéo et sonore retraçant la vie de ce monument de la musique arabo-andalouse. C'est aux alentours de 19h30 que le coup d'envoi de la soirée est donné par le présentateur fétiche, Mourad. La salle est comble. Le public enthousiaste et varié, plutôt âgé. L'imposant orchestre, constitué de 39 éléments, prend place avec assurance. Outre les élèves de l'association andalouse Andil El Djazaïr, d'autres anciens élèves de Sid-Ahmed Serri se sont associés à cette formation le temps d'une soirée. Parmi ces artistes, aujourd'hui célèbres, citons Boualem Mekachiche, Mahmoud Hadj Ali, Mohamed Touzène, Mohamed Benfarès et Wael Labbaci. Le la de la soirée est donné par le chef d'orchestre et virtuose violoniste, Youcef Ouznadji. Le répertoire débute par un inkilab djarka Mara Yakhta, où le jeu des instruments et des voix était en parfaite osmose. Comme tout hommage rendu, le parcours et l'œuvre de Sid-Ahmed Serri ont été revisités par le musicologue et auteur, Abdelkader Bendamaâche. Un «joyeux anniversaire» en live est par la suite entonné à l'unisson par l'association Anadil El Djazaïr. Le moment tant attendu par l'assistance est sans conteste le passage sur scène de Sid-Ahmed Serri. Assis au premier rang parmi le public, Sid-Ahmed Serri est convié à rejoindre la formation sur scène. Vêtu d'un costume noir, l'homme avance, d'un pas altier et assuré à la fois, sous un tonnerre d'applaudissements et de youyous. Le respect est tellement immense pour ce cheikh de la musique andalouse que tout le monde se lève pour le saluer. Sans son instrument de prédilection, la «kouitra», l'artiste se met debout face à un pupitre. Un pupitre qu'il ne consultera point tout au long de sa brillante prestation. Les premiers sons de la flûte, suivis des «ôuds» laissent deviner l'entame de la nouba hcine, une des noubas favorites du maître. Après qu'une voix féminine cristalline eut interprété un m'ceder Madhabi fi El Khalara, Sid-Ahmed Serri prend le relais pour exécuter un délicieux btaïhi. Une voix mélodieuse qui n'a rien perdu de sa puissance ni de sa fraîcheur. Ce moment d'un quart d'heure a été interprété dans un silence religieux pour les nombreux admirateurs et mélomanes. Avec la discrétion et la grâce qu'on lui connaît, le maître quitte la scène sous une salve de youyous et des applaudissements à tout rompre. Le programme de la soirée s'est prolongé avec des pièces phares du répertoire arabo-andalou dont, entre autres, un dardj Radjaret Lil nadirine tabiha, suivie d'une série de insirafat Lawl anani el dahr, Kad bacharet, Zada el houb wa djadi» et de khlasset Attek Allah, Charabana oua taba, Way Achia. Le répertoire s'est refermé sur des louanges à Dieu, dont Sidna Ibrahim El Khalil alayhi El Salem et l'incontournable chanson mythique Moubrouk Aïdekoum de Abdelkrim Dali. Comme tout hommage de cette envergure, Sid-Ahmed Serri et son épouse se sont vu gratifiés de bouquets de fleurs. Le maître a même reçu un présent de son ancien élève Youcef Ouznadji et du président de l'association El Djanidia de Boufarik, président de l'association El Anadil. Cette soirée hommage a eu le mérite de réunir des générations diverses partageant cette même passion pour la musique arabo-andalouse. Sid-Ahmed Serri, qui était le centre de cette soirée, a permis à de nombreux amis de se rencontrer, séparés par le temps et le quotidien de la vie. L'hommage rendu à Sid-Ahmed Serri est une juste reconnaissance à ses travaux d' investigations et à son travail méticuleux et perfectionniste en termes de recueil du patrimoine, de sa transmission aux générations présentes et futures, de sa préservation.Souhaitons à notre maître incontesté de la tradition sana'a, Sid-Ahmed Serri, un joyeux anniversaire avec nos meilleurs vœux de bonheur.