La France a fourni, directement ou indirectement, de très importantes quantités d'armes aux rebelles libyens qui combattaient pour renverser Mouammar El Gueddafi, des livraisons décidées lors de réunions, pour certaines secrètes, relate l'écrivain Bernard-Henri Lévy dans un livre. Dans La guerre sans l'aimer, en vente dès demain, l'intellectuel français raconte en détail comment il a convaincu le président Nicolas Sarkozy de s'engager, diplomatiquement puis militairement, dans le conflit libyen. Le Conseil national de transition (CNT) libyen est formé depuis quelques heures lorsqu'il rencontre, le 5 mars à Benghazi (Est libyen), Moustapha Abdeljalil, qui va en prendre la direction. Un «inconnu», reconnaît-il, à qui il propose tout de même de transmettre des messages à Nicolas Sarkozy et d'emmener une délégation de rebelles à Paris. Puis, quelques instants plus tard, un coup de téléphone au président français. «Mon idée est de ramener à Paris une délégation de ce conseil qui vient de se former (...) Accepterais-tu de recevoir, personnellement, cette délégation ?», dit-il au président français. «Bien-sûr», répond Nicolas Sarkozy. La délégation sera reçue le 10 mars à l'Elysée. La France reconnaîtra alors la première le CNT. Il y aura ensuite les tractations à l'ONU, puis, le 19 mars, le déclenchement de l'opération militaire aérienne, franco-anglo-américaine, puis de l'Otan, en Libye. Selon le récit de Bernard-Henri Lévy, la France accorde aussi une aide militaire importante sur le terrain aux forces du CNT. Dès le 29 mars, BHL rapporte à Nicolas Sarkozy une discussion qu'il a eue avec le Premier ministre du CNT, Mahmoud Jibril : «Les armes françaises arrivent, les instructeurs aussi. J'ai l'impression que les choses avancent.» Réponse du président français: «C'est vrai (...) On n'était pas sûrs qu'ils avaient les moyens de leur fougue et on a donc dû les stopper. Pas assez d'armes, mais pas assez de formation non plus.» Cette aide militaire française prendra un nouveau tournant avec une visite à Paris le 13 avril d'Abdel Fatah Younès, le chef militaire des rebelles et ancien ministre de l'Intérieur de Kadhafi. Il sera assassiné le 28 juillet à Benghazi, dans des circonstances troubles. Ce 13 avril à minuit, dans un palais de l'Elysée déserté, BHL amène discrètement à Nicolas Sarkozy Abdel Fatah Younès et d'autres chefs militaires rebelles, rencontrés lors d'une visite en Libye. Le président français rappelle l'aide militaire déjà fournie par le Qatar, ou via le Qatar, et les instructeurs français déjà sur le terrain. Puis il dit : «Vous avez besoin de quoi au juste ?» Un des participants lui tend une liste: «Cent 4X4 blindés...du 12,5 et du 14,5... du matériel de transmission... deux cents talkies-walkies plus deux bases, et, si possible trois...un minimum de cent pick-ups, de sept à huit cents RPG7...mille kalachnikovs...quatre et si l'on peut, cinq Milan lance-missile...» Younès, de son côté, insiste sur la nécessité d'équiper les rebelles du Djebel Nefousa, au sud-ouest de Tripoli. Le lendemain, dans un grand hôtel parisien, il recevra la visite du responsable de la société française Panhard, spécialisée dans les blindés, muni de son catalogue et de bons de commande. «Le matériel est sur zone, en fait. C'est du très beau matériel. Et comme l'acheteur— vous voyez qui je veux dire — ne l'a jamais payé, nous pouvons livrer très vite». Les combattants du Djebel Nefousa recevront 40 tonnes de matériel, via les pays arabes amis, dit BHL dans son livre, en citant Nicolas Sarkozy. Puis, quelques semaines plus tard, ce sont les chefs militaires de Misrata que l'écrivain amènera à l'Elysée. Mêmes demandes et mêmes promesses.