-Vous avez constaté que le cinéma en Algérie est à la traîne. Malgré tout, vous faites des films. D'où tirez-vous cette énergie ? Le cinéma est mon métier de toujours. Je continuerai à faire des films, mais le problème qui se pose est le rythme à suivre ; un par année ou un par décennie. Le cinéma algérien est en mauvaise posture, car nous n'avons pas de circuit de production ni un circuit industriel. Le cinéma, c'est plus de mille métiers, des labos, de la chimie, de la physique, le son, les studios... Et quand un maillon manque, le cinéma ne marche pas, surtout quand le public ne suit pas. Moi, en tout cas, je continuerai à faire des images, particulièrement aujourd'hui où la technologie avance rapidement, où tous les six mois une nouvelle sorte de caméra est fabriquée, et c'est à nous de nous y adapter maintenant. -Le cinéma demande beaucoup d'argent. Comment réussissez-vous à contourner cet écueil ? Jusque-là, j'ai un budget dont j'ai honte de parler. J'y ai mis mes sous, et je n'en ai pas beaucoup. Et, pour bénéficier du Fdatic, (Fonds de soutien au cinéma), il y a la contrainte de l'apport de 30% que je n'ai pas ; j'ai bénéficié du milliard de centimes de ce Fonds, dont la moitié sera consacrée à cinéscopage, autrement dit le transfert du signal vidéo vers le film afin de revenir avec des copies en 35. Il restera donc 5 millions de dinars qu'il faudra utiliser pour payer les comédiens. Ce n'est pas suffisant, mais mes comédiens ont accepté, et ils sont sous-payés, j'en conviens. On m'a promis que l'AARC (l'Agence algérienne de rayonnement culturel) va coproduire, et si cela arrive à temps, je serai plus à l'aise, mais là, j'avoue qu'on tire le diable par la queue. Ma politique est de ne pas attendre de gros budgets pour faire un film, car cela risque de ne pas venir. Les années n'attendent pas. Je trouve que plus on est pauvre, plus il faut réfléchir. -Le Menteur est un film en tamazight ? C'est peut-être le dernier film que je ferai en tamazight, pour la bonne et simple raison qu'il est plus facile de faire un film en arabe qu'en tamazight parce que nous réduisons le réservoir de talents. J'aimerais avoir des comédiens d'un certain âge, comme Slimane Benaïssa, Farida Saboundji. Aujourd'hui, on prend des gens au hasard et on travaille plus difficilement, il faut diriger plus longtemps et répéter plus, et ça c'est du temps, c'est de l'argent aussi. -Ali Mouzaoui s'inscrit-il désormais dans une dynamique à contre-courant de la promotion de la culture amazighe à travers le cinéma ? Non. Quand je dis que je ferai mes films en arabe, cela ne veut pas dire qu'ils ne seront pas amazighs. Je me battrai tout le temps pour expliquer que le cinéma amazigh ne réside pas dans la langue, il réside dans un contenu, ce sont des valeurs, ce sont les rapports que nous avons entre nous et avec les événements qui font qu'un film soit amazigh ou pas. J'ai vu des films japonais où il n'y a aucun mot en japonais, des films ukrainiens alors que ça ne parle pas ukrainien. Il faut arriver à montrer que faire un cinéma amazigh, c'est l'inscrire dans une dimension maghrébine, ou une grandeur plus large. On ne fait pas un film pour un public kabyle. Je me refuserai catégoriquement de dire que je vais faire des films pour la Kabylie, car j'estime que ça ferait du mal à la Kabylie, à l'Algérie et à la culture. Le but d'un film est de circuler. -Quand verra-t-on ce nouveau film ? Je souhaite boucler le tournage qui aura lieu à Oran, Alger, en Kabylie, à Tlemcen vers le 20 décembre prochain. Le montage devra prendre à peu près deux mois. Le film sera prêt fin janvier pour l'avant-première.