Pour la première fois dans les annales de la justice, un inspecteur général, Ali Badaoui, sera déféré demain à la chambre d'accusation près la cour d'Alger. Démis de ses fonctions, il faisait l'objet de nombreuses plaintes, mais c'est celle du juge et syndicaliste Abdellah Haboul qui a fini, après plus de 6 ans, par le conduire à répondre pénalement de ses actes. Démis de ses fonctions depuis mars dernier, l'ancien inspecteur général du ministère de la Justice, Ali Badaoui, sera déféré demain à la chambre d'accusation près la cour d'Alger. Pour la seconde fois, il devra affronter son plaignant, le magistrat et syndicaliste Abdellah Haboul, qui l'accuse de l'avoir «offensé et surtout d'avoir porté atteinte à son honneur». Ali Badaoui avait fait l'objet de nombreuses plaintes administratives déposées par des magistrats à son encontre, mais elles sont restées sans suite. Seule celle de Abdellah Haboul a fini par être acceptée, après un parcours du combattant et une bataille juridique qui ont duré plus de six ans. La chambre d'accusation près la cour d'Alger examinera donc son affaire demain. Président de la section syndicale du tribunal de Chelghoum Laïd, où il exerçait comme procureur, Haboul est entré en conflit avec le président de la cour et le procureur général de Constantine lors de la grève qui a secoué cette juridiction en 2003, qui s'est terminée par le limogeage des deux chefs de cour. Ces événements interviennent au moment où le Syndicat des magistrats (SNM) était confronté à une crise interne liée à l'élection présidentielle (de 2004) qui a eu pour conséquence la destitution de Raselaïn. L'ancien président de l'organisation a fait l'objet d'une destitution pour être remplacé par Djamel Aïdouni. Une «illégalité» que la section syndicale n'a pas voulu cautionner. Haboul va alors subir les foudres de la chancellerie. Il est muté en tant que conseiller à la cour de Bordj Bou Arréridj et, quelque temps plus tard, il fait l'objet d'une suspension pour «retard à une audience et absence à deux cours d'informatique». Déféré devant la commission de discipline du Conseil supérieur de la magistrature, Haboul est pris à partie par Ali Badaoui, qui l'accuse d'être «un magistrat indigne». Des propos que réprouvent les 17 membres du Conseil en présence desquels ils ont été tenus. Il décide de déposer une plainte administrative officielle contre Badaoui auprès du ministère de la Justice pour «insulte et offense». Celle-ci reste sans suite malgré les nombreux rappels et sollicitations. Une autre plainte, cette fois pénale, est déposée auprès du tribunal de Bir Mourad Raïs pour «outrage et insulte». Mystérieusement, cette plainte disparaît de la juridiction sans laisser aucune trace. Nouvelle procédure en décembre 2008. Haboul introduit une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d'instruction du tribunal de Bir Mourad Raïs pour les mêmes faits. La procédure perdure. Le juge refuse d'évaluer la caution nécessaire, tel que prévu par la loi ; après moult interpellations, il se déclare incompétent pour instruire l'affaire. Dans son ordonnance, il justifie sa décision par le fait que la caution n'a pas été définie. Abdellah Haboul interjette appel devant la cour d'Alger qui, malgré le vice de procédure, confirme l'incompétence. Décidé à aller jusqu'au bout, Haboul se pourvoit en cassation devant la chambre criminelle de la Cour suprême. Il gagne sa bataille contre Ali Badaoui et l'ensemble du système judiciaire puisqu'une audience publique est programmée, à l'issue de laquelle l'ordonnance du juge est annulée et l'affaire est renvoyée une seconde fois devant la chambre d'accusation pour être de nouveau examinée. Pour la première fois dans les annales de la justice, un inspecteur général devra répondre de ses propos à l'égard d'un magistrat.