Comment savoir ce que pensent les autres ? De la gouvernance ou des gouvernants, de la mayonnaise sur les pizzas, de l'école, de la boxe féminine ou des courants politiques ? A part leur demander ou s'adonner à la télépathie de masse, il n'y a pas grand-chose à faire. Dans les sociétés avancées, il y a les instituts de sondage, privés ou publics, qui donnent régulièrement l'opinion de leurs peuples sur diverses questions. Ces instruments permettent ainsi aux gouvernants de réagir aux changements, de s'adapter à la société et d'entrer sans frapper dans le cerveau de l'administré. Pour les particuliers, ces bases de données sont tout aussi utiles et servent de thermomètre, c'est-à-dire à connaître l'avis du voisin, même si par définition, en Algérie, le voisin a toujours tort. On le sait, mais l'on n'y pense plus, il n'y a pas d'institut de sondage en Algérie et même l'ONS, l'office des statistiques, préfère se cantonner dans de vagues questions en restant en dehors de l'intimité nationale. Résultat : personne ne sait combien pèse tel parti ou tel courant de pensée en dehors du trucage des urnes, ce qui permet aux gestionnaires du pays d'entretenir un flou sur leurs légitimité et action, et oblige les citoyens à s'accrocher à un vague magma dominant, convaincus par défaut que tout le monde pense ce que pense tout le monde. Autre résultat : ce sera le courant de pensée le plus agressif qui touchera le plus de monde. Autre résultat enfin : les minorités sont largement bafouées par la prédominance d'une majorité morale supposée dont on ne sait même pas combien elle compte de personnes estimant qu'il faut protéger les minorités. Comment savoir ce que les autres pensent ? Penser comme lui, en pensant qu'il pense comme vous, qui pensez comme tout le monde. Avec une conséquence effrayante, un dénominateur de base, penser le moins possible pour ne pas avoir à penser les autres.