Mustapha Boutadjine est un artiste excellant dans l'art graphique et le collage, et il est surtout connu pour sa veine portraitiste humaniste, progressiste et rebelle. Et il expose sa collection « Blacks et partisans » à la Bibliothèque nationale du 25 janvier au 10 février 2006. Comme artiste peintre, vous êtes inclassable ? Effectivement, moi-même je ne pourrais me classer dans aucune catégorie et j'ai horreur qu'on me mette dans une case. D'après le sujet annoncé dans cette exposition « Blacks et partisans », on remarque que vous êtes foncièrement portraitiste... Tout d'abord, je ne suis pas portraitiste, il y a aussi quelques scènes, mais l'idée du portrait s'est imposée par la valeur des personnages et leur histoire, et le meilleur moyen de leur rendre hommage ça ne sera que le portrait qui deviendra « icône ». Pourquoi cette démarche humaniste et progressiste ? Pour moi, c'est naturel, puisque je suis originaire d'un pays qui a connu les affres de la guerre, l'injustice, le mépris, donc je ne peux être que révolté et plus proche des personnes qui ont cette vision. Une galerie impressionnante par le contenu et les personnages... C'est une exposition composée de 44 tableaux de différents formats avec dix copies d'œuvres qui ont été vendues et qui malheureusement ne pouvaient faire le voyage à Alger. Mais les copies même en petit format donnent une idée du travail. Quelle est l'acception de cette technique graphisme-collage ? J'ai appelé cette technique graphisme-collage, parce que tout le travail de ces tableaux a été réalisé à partir de petits bouts de papier de magazine de mode et de pub, collés bout à bout recomposant l'image avec évidemment le graphisme qui est inclus dans ces revues. J'appellerais cela de la déconstruction pour rendre hommage au grand philosophe Jacques Derrida. L'exposition « Blacks et partisans », deux titres en un... Effectivement, c'est un double événement composé d'une exposition qui a eu lieu dans différents endroits en France et ailleurs qui s'intitule « Blacks is toujours beautiful » et s'articule sur un ensemble de portraits et de scènes sur des personnalités noires qui ont marqué l'histoire par leur engagement politique, social, littéraire, artistique, sportif, etc. Et la deuxième partie est dédiée à des portraits de patriotes algériens morts pendant la guerre d'Algérie ou bien vivants et qui méritent qu'on leur rende cet hommage. Et pourquoi Ali La Pointe en effigie ? Parce qu'il ressemble à tous les Algériens des quartiers populaires dont je suis issu, c'est le chahid oublié, il a un parcours particulier et quelque part son image dérange. Vous êtes aussi designer... Oui, ma formation principale est le design, d'ailleurs j'avais fait un certain nombre de projets en Algérie et en France. Pour l'Algérie, je ne citerais que le travail de design de Naftal et du métro d'Alger et plusieurs projets en France... Vous travaillez dans un lieu qui commence à être connu, « Louzine »... Mon atelier se trouve à « l'Usine », c'est une ancienne bâtisse qu'on gère entre artistes de tout bord. Je suis le seul peintre, il y a un photographe, le journal Planet-DZ, un web designer Peexstudio et des groupes de musiciens : l'Orchestre national de Barbès, cheikh Sidi bémol, Gaâda diwane de Béchar, Fatima Groove, Talweg, Dit bonjour à la dame, Paname tropical, Quart tête, Yaness, Samira Brahmia, Rumba club, Zerda, Zalamite, Gyps, Ziara, etc. En fait, vous êtes un agitprop de la culture... C'est une agitation saine et productive, il y a eu beaucoup d'artistes maintenant reconnus sortis de cet espace, grâce à l'entraide de toutes ces personnes qui cohabitent dans cet endroit magique.