A l'entrée de la salle, on est limite narquois, un film de marionnettes, ça craint un peu. Même si on sait parfaitement que le cinéma scandinave a fait ses preuves, ces dernières années, et que les jeunes cinéastes de cette région de l'Europe sont tout simplement époustouflants. Eh bien, cela s'est avéré entièrement vrai. Strings est le genre de film qui vous laisse bouche bée... complètement déboussolé ! Anders Ronnow Klarlund est connu pour les nombreuses récompenses qui jalonnent sa jeune carrière de réalisateur : Meilleur réalisateur du film fantastique à Rome 2000, Méliès d'argent en 2000 et d'or en 2001. Il définit son film Strings, comme un conte où l'homme est le pire ennemi de l'homme. Sous certains aspects, son petit chef-d'œuvre renvoie quelque peu aux contes d'Andersen. Avec l'image en plus. Et quelle image ! Le spectateur est surpris par de parfaits cadrages dans des décors extraordinaires : souk, forteresse arabe, désert de glace, de sable... Chaque lieu possède le souffle inattendu du conte épique. D'autant que la lumière se veut fuyante, un peu comme pour garder le mystère. Pourtant, le réalisateur ne cache pas pour autant le jeu des marionnettes. Mieux, il développe l'histoire sur la base de ces pantins reliés au ciel et entre eux par plusieurs fils, dont un vital. Dans Strings, il y a autant d'aventure que d'émotion. Les marionnettes son figées et sans expression. Pourtant, Anders Ronnow Klarlund a réussi à leur insuffler de la vie, à leur imprimer l'émotion. On retrouve la tristesse de la mort, le désarroi de la solitude, le bonheur d'une naissance, le tremblement de l'amour... le tout avec une rare perfection. Chaque scène procure l'attente de la découverte. Et le récit tout entier renvoie à des éléments cognitifs. C'est que chaque spectateur interprétera cette histoire à sa manière. Dans la foulée, on pense à la Palestine, à l'Irak ou encore à l'Algérie. Parce que contrairement au cinéma américain qui se complaît dans le traitement de l'opposition entre le bien et le mal, le réalisateur de Strings a choisi de mettre l'accent sur les causes et les conséquences de l'actualité. Celle qui « sied » au spectateur. Enfin, pour réaliser ce chef-d'œuvre qui est un véritable exploit technique et artistique, il a fallu 115 marionnettes, 150 personnes, 10 kilomètres de fil. Des fils pouvant mesurer jusqu'à 5 mètres et 23 semaines de tournage. Le public de la salle Ibn Zeydoun, samedi soir, était peu nombreux, mais la projection s'est terminée par un tollé d'applaudissements.