Ils sont jeunes chômeurs, étudiants, activistes, anarchistes, immigrants, artistes ou encore électeurs. Inspirés par le Printemps arabe libérateur, ils ont investi les rues du Lower Manhattan à New York. Plus précisément contre Wall Street, parangon du capitalisme. En cette saison automnale, il fait un froid cinglant au Zuccotti Park, dans le Lower Manhattan, à New York, baptisé Liberty par des «indus occupants». Ce sont les indignés, les protestataires du mouvement grandissant Occupy Wall Street qui squattent le parc depuis le 17 septembre 2011. Etats-Unis De notre envoyé spécial Ils dénoncent sans ambages le capitalisme, les inégalités et les disparités économiques. Leur clameur : «Nous sommes les 99% par rapport au 1% restant de la population américaine se partageant à elle seule les richesses du pays et symbolisé par le district financier : Wall Street.» Ils estiment qu'ils sont une majorité traitée comme une minorité par le 1% des riches. Zuccotti Park est devenu le sit-in permanent des indignés Occupy. «Je suis anticapitaliste. Nous demandons une économie sociale équitable sans mépris du peuple ni discrimination de genre, de race, de classe, de statut... La nouvelle démocratie a débuté, ici (Park Zuccotti, le 17 septembre). Les gens sympathisent avec notre mouvement. Nous résistons, nous nous organisions encore plus. Malgré le froid qui s'installe, nous resterons là et ce, pour trouver une solution. Nous prenons notre temps…», nous précisera David, 30 ans, chômeur. Un campement de fortune affublé de la dénomination «Tent City» (cité de tentes) quadrillé par un cordon impressionnant de la fameuse NYPD (la police départementale de New York). A l'entrée, des banderoles et des pancartes annoncent que ce n'est pas un «camping de villégiature» : «Stand together for change» (rassemblons-nous pour le changement), «Rise up, we are the 99%» (relève-toi, nous sommes les 99%) ou encore «Mayor Bloomberg, hands off Occupy Street» (maire Bloomberg, bat les pattes de Occupy Street). Grand élan de solidarité Ce «village» anti-capitaliste est une concentration de tentes et de sacs de couchage multicolores et de surcroît ordonnés. Un bureau d'accueil et d'information proposant des brochures d'Occupy Wall Strert en anglais et espagnol (deuxième langue parlée aux USA), une bibliothèque recelant plus de 4000 volumes et catalogues portant aussi bien sur le Manifeste communiste que sur l'action de Che Guevara, des sanitaires, un coin pour les forums think tank — débattant de nouveaux médias (Facebook, Twitter) et les prochaines élections —, un espace pour les jeux de société (échecs) et une cuisine servant 3000 repas par jour. Depuis le début du mouvement Occupy Wall Street, les indignés sont soutenus par une grande frange de la population. Ainsi, des riverains, des citoyens venant d'autres Etats, des touristes ou encore des curieux font des donations et des dons. Qui un repas tout chaud provenant du Starbucks Coffee d'à-côté, qui des denrées alimentaires, qui une valise usagée, qui des vêtements d'hiver, qui de l'argent allant directement dans une tirelire. Iyo, une grand-mère, la cinquantaine, est la cuisinière du campement : «J'ai attendu plus de 10 ans ce moment (Occupy Wall Street). Je suis ici pour mes petits-enfants. J'attends que l'Amérique se réveille et cesse de gaspiller notre argent dans les guerres. Trop, c'est trop ! Je ne crois ni en les républicains ou les démocrates. Il n'y a aucune différence. Le président Obama est pire que Bush !» People MIC et bat signal Comme il est interdit de faire usage d'appareils électroniques d'amplification, les «occupants» ont eu la géniale idée de communiquer entre eux par «mic people» : une personne parle et la foule répète la phrase. Un tonnerre vocal plus puissant qu'un mégaphone ou autre haut-parleur. La dernière trouvaille de ces militants fut le «bat signal» (signal-SOS nocturne de Batman). Il s'agit d'un puissant projecteur qui a diffusé les fameux 99% sur la façade du Verizon Building à Brooklyn. Un autre pied de nez ! De temps à autre, les nerfs des policiers sont soumis à rude épreuve. Un jeune passant, ayant emprunté une pancarte Occupy, demandera à une policière si elle avait besoin d'un «hug» (un câlin), histoire de la déstabiliser. De marbre, elle ne répondra pas à la provocation. Aussi, depuis le 17 septembre, le mouvement revendicatif Occupy the streets a fait des émules à travers les Etats-Unis et à l'étranger. Plus de 1600 «occupations» et un prolongement protestataire spontané s'essaimant à travers plus de 100 villes des Etats-Unis. A Washington, les indignés locaux se sont affublés du slogan récurrent Occupy D. C. (Occupons le District of Columbia). Ils ont investi les rues de Washington en imitant leurs camarades de New York. Ils ne cessent d'organiser des marches. Comme cette nouvelle marche — après celle Occupy Pennsylvania Avenue donnant sur le Capitole —, commençant au sein de leur campement «sauvage» dans l'enceinte de McPherson Square et investissant K. Street (NW), et ce, dans une action unitaire regroupant Occupy D.C. et Occupy colleges dénonçant ce qu'ils appellent : la dette estudiantine en réponse au «Students Act» proposé par le président américain, Barack Obama. Les indignés de Washington D.C. estiment que ce n'est qu'un argument électoral et un palliatif. «Nous sommes des chômeurs, des sans-abri, des étudiants, des artistes qui voulons montrer que nous ne sommes pas une minorité, mais une majorité (You are the 99%, vous êtes les 99%). Nous sommes un mouvement non violent, pacifique, solidaire à celui d'Occupy Wall Street et à ceux du monde entier. Nous dénonçons les intérêts corporatistes dirigeant nos systèmes politiques et économiques. Ensemble, nous pouvons rendre le pouvoir au peuple.» Ils ont réussi à fermer le port d'Oakland Telle est la teneur revendicative du tract distribué. Les protestataires d'Occupy D.C., ayant installé leur campement au McPherson Square depuis le 1er octobre, sont organisés, très réceptifs et communicatifs. Sous une bruine d'automne, le camp ne désemplit pas. Des passants, des anonymes, des sympathisants ou des curieux leur rendent visite, discutent avec eux, pétitionnent et prennent même des photos avec eux. Dans une tente faisant office de bureau d'information, le responsable, un jeune homme sans emploi, très confiant, nous répondra quant aux revendications d'Occupy D.C : «No demands (pas de revendications) ! Nous voulons seulement arrêter cette destruction aux USA. Le monde entier occupe les espaces. Nous recherchons respect, liberté et surtout dignité...». Un indigné, 40 ans, nous relatera l'arrivée de la police voulant les faire évacuer du jardin McPherson : «Les policiers nous ont signifié que c'était illégal. On leur a répondu ironiquement : ‘‘c'est pour cela que nous sommes ici, c'est illégal !''». Face à l'éclosion des espaces d'expression d'Occupy D.C., le National Mall Memorial Parks (fédération des parcs nationaux) distribue aussi des tracts exhortant les protestataires de respecter les lieux tout en exerçant leur liberté, celle de se réunir et se regrouper comme stipulé dans le Premier amendement (Freedom of assembly). A Aokland (Californie), l'occupation anti-capitaliste a été émaillée par des incidents. Deux vétérans de la guerre d'Irak, manifestants Occupy, ont été grièvement blessés par la police. Et même face aux violences lors des manifestations anti-Wall Street, le port d'Aokland, le quatrième au rang d'importance aux Etas-Unis, a été fermé pour des raisons de sécurité. Couvre-feu à Nashville A Nashville (Tennessee), un journaliste, Tom Meador, reporter du magazine Hebdomadaire Nashville Scene a été arrêté avec une vingtaine de manifestants d'Occupy Nashville, bien qu'il ait décliné sa profession de journaliste. Alors qu'il filmait tout simplement le mouvement de protestation avec une petite caméra Flip. Et, contre toute attente, l'Etat du Tennessee a imposé un… couvre-feu de 22h à 6h du matin. Et toute personne bravant cet «état d'urgence» et squattant le Plaza de Nashville se verra infliger une amende de 65 $ par jour et une couverture d'assurance de l'ordre de… 1 million $.