Incontournable est l'aide des pouvoirs publics en direction des populations manifestant le désir de retourner à leurs pénates. Dans les années 1990, le terrorisme a fait des ravages à Ouled Boufaha ; la vie a cessé dans ce vaste territoire forestier à relief difficile et accidenté. Le douar tente, deux décennies plus tard, de renaître de ses cendres. Les premières ébauches d'un retour aux sources ont été lancées au mois de septembre dernier par un groupe d'habitants, animé d'une volonté inébranlable, qui a fait un petit pas, mais un pas de géant sur la voie du grand retour annoncé. Le souvenir des larmes versées, du sang qui a coulé et de la peur des terroristes et de leurs bombes semées pour déchiqueter toute âme qui s'y aventure, n'est pas pour encourager certains à se risquer dans la forêt luxuriante. Après l'esquisse d'un premier effort, la route est dégagée. L'action coordonnée a donné lieu à l'ouverture de l'ancienne piste qui a été envahie par la forêt. Les premiers arrivants jubilent; dans le même temps, ils constatent l'immense préjudice causé à la vie dans ce monde merveilleux de la nature. La désolation est telle que certains ont laissé couler des larmes sur les ruines de leurs demeures. A Tassilat, cœur battant du douar avant l'exode, le bureau de poste est encore témoin d'une époque révolue. «C'est ici que je retirais mes mandats et recevais mon courier. On appelait même nos proches par téléphone à partir de ce bureau», commente avec une pointe de nostalgie un des premiers arrivés sur les lieux. Ce témoin n'est autre que le frère de la première victime de la barbarie terroriste. De retour d'une virée au douar, en compagnie d'un groupe de natifs de la région, cet homme relate les faits tragiques de l'assassinat de sa sœur, une femme divorcée et mère de neuf enfants qui a été froidement égorgée. «C'était au mois d'avril 1994 que ma sœur a été enlevée par des terroristes. Deux jours après son enlèvement, on l'a retrouvée, pieds et mains ligotés,à Asserdoune, près de Méchat», raconte-t-il, non sans se laisser trahir par un soupire profond. Cette exécution a été le point de non-retour d'une situation qui a basculé à un exode massif de la population. «A compter de cette date, aucune âme n'est restée dans le douar qui s'est vidé de ses habitants, laissant les terroristes régner sur ces contrées», a-t-il ajouté. Près de vingt ans durant, Ouled Boufaha, désespérément vide, a vécu, à l'instar des autres régions limitrophes, au rythme des ratissages et des bombes. C'était le temps de la guerre. Maintenant, en temps de paix, les habitants, exilés dans les grandes villes, appellent les pouvoirs publics à leur venir en aide pour repeupler le douar. La cueillette des olives, première motivation L'opération n'est pas une mince affaire car elle nécessite un autre effort de «guerre». Le plus important, clament-ils, est l'ouverture de la route. Encouragées par le calme qui y règne, de nombreuses personnes ont rejoint la localité. La campagne de la cueillette des olives a été l'occasion propice pour amorcer ce retour. Sur les lieux, nous avons constaté l'engouement pour les retrouvailles de cette terre si adulée. Même les femmes sont là. Cette présence confirme que le terrorisme est vaincu à Ouled Boufaha. Ce retour à la paix a été entériné par la reddition au printemps dernier de l'émir Ammar Lemloum, alias Zakaria, un natif de la région. La crainte des bombes éventuellement laissées par les terroristes demeure présente. «On évolue sur un territoire miné», avertit un homme. « Aux premiers jours de notre retour on a trouvé un missile qui s'apparente à un petit obus qui n'a pas explosé ; nous l'avons remis aux militaires. Probablement, il a été tiré par un avion lors des pilonnages des campements terroristes», témoigne un autre. En l'absence d'un programme de relogement, les autorités concernées se disent prêtes à assister la population par les moyens de bord. «On peut lui fournir des engins et du matériel pour ouvrir les routes, mais faute d'une présence permanente des habitants sur les lieux, il est difficile de débloquer des enveloppes budgétaires pour des projets», affirme un responsable. L'électrification des foyers, seul et unique projet dont avait bénéficié la région, n'a pas été menée à terme. Le terrorisme a voulu que la vie s'arrête au commencement du placement des poteaux et des câbles électriques au début des années 1990. Témoin de cet arrêt brutal de la vie, les câbles reliés aux poteaux ou jonchant le sol, sont encore là en attente d'une éventuelle reprise du projet. L'école primaire, implantée au lieudit Lemdarssa, est tombée en ruine.