Qu'est-ce qu'un enseignant de français en Algérie ? Posée au début d'un séminaire ayant trait à l'enseignement de la langue de Molière dans notre pays, l'interrogation peut surprendre. La réponse donnée l'est encore plus : «C'est certes un étranger, mais un étranger bien de chez nous .» C'est dans ce sens que la faculté des lettres et des langues de l'université de Ouargla a organisé entre hier et aujourd'hui le séminaire national sur «L'enseignement et l'apprentissage du français en Algérie : enjeux culturels et représentations identitaires». La rencontre regroupe une trentaine de chercheurs venus des quatre coins du pays pour débattre autour de quatre thématiques : «Aménagement linguistique et diversité culturelle : quels enjeux pour l'Algérie ?», «L'enseignement du français en Algérie entre ‘‘héritage'' linguistique et patrimoine universel», «L'enseignement et l'apprentissage du français en contexte algérien : la compétence culturelle en question», et enfin «De la séquence pédagogique vers la représentation culturelle identitaire : quelle dimension privilégier ?». La cérémonie d'ouverture a été marquée par l'allocution en français du Pr Bouterfaïa, recteur de l'université Kasdi Merbah de Ouargla, qui a souligné la nécessité «d'attiser la volonté et la foi de tous afin de valoriser et innover dans le domaine de l'apprentissage des langues nationales et étrangères». Mais le ton de la rencontre a sans doute été donné par la verve et la conviction du Pr Fodil Dahou, de l'université de Ouargla dont le propos a traité notamment de la dédramatisation des pratiques d'enseignement en matière de langue française pour mettre en place une gouvernance didactique au lieu des frictions interculturelles actuelles. L'objectif, selon lui, est «la formation d'un citoyen respectueux de lui-même et des autres et d'accepter que toutes les compétences ne sont pas données par l'école». Pour M. Dahou, le malaise de l'école et de l'université algérienne découle entre autres des tensions entre le français et l'arabe qui, pour lui, est une approche assez simpliste de l'éducation. L'éducation, une œuvre d'intérêt national et une définition de la citoyenneté avant tout d'où l'intérêt de réinterroger l'actualité sociétale nationale afin que la refonte de l'éducation nationale ait un vrai sens et s'inscrive dans l'avenir de la nation algérienne. Croire au mythe de la langue universelle et l'abandon des langues maternelles, c'est l'édification d'une prison pour les pays pauvres et sous-développés, dira l'orateur et entre la médiocrité de l'enseignement et l'obligation de résultat en fin d'année, c'est une acceptation de facto de la coopération pour s'aligner sur ce que font les autres au moment où le pays a besoin d'une didactique de la refonte de l'éducation qui ne peut se faire sans l'évolution de la ressource humaine, le parent pauvre de l'éducation dans notre pays. Ainsi, c'est un plaidoyer pour des états généraux des compétences acquises par l'apprenant que la Pr Dahou a présenté hier matin ; il a par ailleurs souligné la nécessité de se corriger de l'insécurité linguistique qui règne en Algérie en privilégiant la générosité et la paix au cœur de l'apprentissage des langues maternelles, secondes et étrangères. Sinon, que voulons nous que l'Algérie devienne ? Quelle image de nous véhiculent nos manuels scolaires ? Et, en guise de réponse : là ou il y aura circulation libre des mots, les armes se tairont.